LA MATERNELLE, çA NE RIGOLE PAS !
Selon une étude fort instructive de l'Insee parue fin 2006, le niveau d'un élève en maternelle et en CP est six fois plus déterminant que son milieu social dans la suite de sa scolarité.
Voilà qui va à l'encontre de la pensée de certains Gouvernants qui, il y a quelques années, avaient même souhaité s'inspirer du modèle allemand, où l'école n'est pas obligatoire avant 6 ans. En filigrane, leur intention était bien évidemment de réduire drastiquement le nombre d'enseignants.
En réalité, la maternelle s'avère déterminante, en dépit d'une idée reçue persistante, en particulier concernant l'acquisition de la lecture. En effet, pour beaucoup de parents, la vigilance est portée avant tout sur la classe du CP alors que le processus d'acquisition de la lecture démarre en réalité en grande section de maternelle voire en moyenne section.
Les textes officiels ont d'ailleurs élargi il y a quelques années déjà la période d'acquisition de la lecture qui va désormais de la grande section au CE1.
Dans ma famille, je connais un exemple assez révélateur de parents qui ont soudain accentué la pression sur les résultats scolaires de leur rejeton en CP après avoir totalement négligé la maternelle, qui était considérée pour eux comme une garderie améliorée. Résultat, les difficultés d'acquisition de la lecture ont été énormes. Actuellement en CE1, leur fils a toujours beaucoup de mal et risque de redoubler.
Déterminant dans l'acquisition des langues
Il en est de même bien évidemment pour l'acquisition des langues étrangères. La précocité est un facteur clef dans la maîtrise de plusieurs idiomes. Le nombre d'années de pratique n'est pas seulement en cause. Plusieurs études linguistiques ont constaté un basculement du mode d'acquisition vers l'âge de 7-8 ans.
Plusieurs explications à cela : avant 7-8 ans, les enfants raisonnent essentiellement par mimétisme et par tâtonnements. Ils cherchent à reproduire les sonorités entendues. Ils acquierent des habitudes d'apprentissage. De la même manière, au fond, qu'ils ont acquis leur langue maternelle.
Au-delà, l'acquisition tend à passer non plus par la reproduction, mais par le recours à des techniques, à des outils. Ils conceptualisent davantage leurs apprentissages, de manière souvent inconsciente. Plus ils vont avancer dans leur scolarité et plus cette tendance va s'accentuer.
Bien évidemment, les différences entre ces deux groupes d'élèves vont s'avérer considérables. Les premiers vont développer naturellement un accent bien plus proche de la langue étrangère enseignée que les seconds, déjà "prisonniers" de leur référent maternel. L'audace dans la prise de parole va être également sans commune mesure. Parce qu'à 3, 4 ou 5 ans, les enfants n'ont pas la même appréhension du regard des autres, du jugement des autres.
Sept-huit ans ? C'est à peine l'âge à partir duquel on commence à apprendre une langue étrangère en France. L'apprentissage de l'anglais commence à se généraliser au CE2, c'est-à-dire vers l'âge de 8 ans. Précisément après le basculement du mode d'acquisition... Ne parlons même pas de la 6e et encore moins de la 4e ! Il est bien évidemment trop tard. A ce stade, seule une petite minorité d'élèves va développer une bonne maîtrise des langues étrangères.
Tout cela fait bien entendu le succès des filières d'apprentissage alternatives, comme celles en breton, où la langue est enseignée dès la petite section. Outre le breton, la filière Dihun (enseignement catholique français-breton) a même généralisé l'apprentissage de l'anglais dès la moyenne section, qui plus est par une méthode originale (d'origine catalane), très ludique et exclusivement basée sur la reproduction de saynètes de théâtre pour enfants. Mon fils aîné, qui est en MS français-breton-anglais, a donc débuté cette méthode. Outre les progrès déjà impressionnants, c'est surtout le rapport à la langue qui est étonnant : les élèves n'ont tout bonnement pas l'impression de travailler, de rabâcher, mais de jouer. Alors qu'on leur demande d'apprendre trois langues en même temps et donc beaucoup plus de vocables que les monolingues...