OLD FASHION A-FESON
Un journaliste old fashion avec sa veste en tweed, sa casquette et sa pipe des fins de bouclage.
Un Breton de Montparnasse qui a plaqué sa carrière d'assureur pour retaper début 80 un manoir dans la mythique forêt de B. Devenu correspondant de sa commune, il s'est reconverti dans le journalisme, a gravi les échelons jusqu'à devenir rédacteur en chef un peu par hasard, sans rayer le parquet, sans écarter un seul prétendant.
Il a gardé de son expérience au service contentieux le sens de l'arrangement. Cela lui avait même valu certains déboires dans sa compagnie d'assurance : trop de règlements à l'amiable à son actif...
Quand je suis arrivé à la rédac de P., il m'a tout de suite intégré à l'équipe. Dès les premières heures, autour d'une bonne table, j'étais briefé sur le contexte local. En aucun cas largué dans la nature.
Sa connaissance de la région, de ses habitants, de l'histoire locale, était stupéfiante. Après chaque bouclage, j'avais d'ailleurs souvent droit à de savoureuses anecdotes, à des souvenirs très précis sur de vieux articles, sur des événements insolites.
Très vite, force est de reconnaître - toutes proportions gardées - qu'il a joué au Pygmalion et que je suis un peu devenu sa statue de Galatée. Même si nous n'étions pas de la même génération, de la même école. Même si nous étions très différents dans notre façon de travailler, dans nos caractères.
De 1998 à 2002, pendant un peu plus de quatre ans, cela a donc été un vrai bonheur de travailler dans cette édition. Les choses se sont, comme par hasard, très vite dégradées après son départ au siège du journal comme rédacteur en chef. Elles se sont dégradées en deux temps : de manière supportable tant qu'il était rédac chef (il n'a jamais donné raison aux attaques en règle de mes collègues), puis de manière beaucoup moins supportable sitôt son départ à la retraite...
Je pense souvent à lui. Je n'ai plus de nouvelles. A vrai dire, je n'ose pas lui en demander. Je ne sais pas trop pourquoi...
Je suis sûr, pourtant, que je serais très bien accueilli là-bas, dans sa forêt.
* A-feson (prononcer a-fé-son-n) : convenable, bien sous tous rapports. Par extension, tip top, super. Synonyme de Fiskal, mais en plus soutenu.