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B u h e z  U r  V a l a f e n n
18 décembre 2007

BAS LES CARTES !

Août 98.
Voilà deux jours que je suis rentré de Bourgogne. Fin de mon CDD de trois mois, qui fait lui-même suite à un an et demi de piges à Paris. Je reviens d'un remplacement de secrétaire de rédaction dans un quotidien, où j'aurais bien fait mon trou. Peine perdue. Les promesses de contrat indéterminé n'étaient qu'un leurre pour motiver les remplaçants d'été. Je m'y voyais tellement bien que j'y ai cru. Forcément.

Et puis, le job avait plutôt de la gueule. J'étais chargé de la mise en page des locales d'une édition de l'Est du département. Le travail avait ceci de particulier que la mise en page avait été scrupuleusement partagée entre des journalistes et des ex typographes du syndicat du Livre. Chacun gardant jalousement ses prérogatives. Vu de la rédac, le "Plateau" [surnom du pool de travail du syndicat du Livre] avait un côté camp retranché. Une citadelle imprenable où les derniers représentants d'une espèce en voie de disparition semblaient jouer leur survie à coup d'accords improbables. Ainsi, avait-il été convenu sur un nombre bien défini de pages de confier le montage aux journalistes sur un simili de X-Press maison. Mais au lieu d'envoyer lesdites pages au flashage, nous nous contentions de faire des sorties imprimante et de les transmettre au Plateau... quelques bureaux plus loin. Là-bas, les ouvriers du Livre remontaient nos pages, exactement de la même manière, mais avec leurs techniques ancestrales bien à eux.

Condamné à une mort prochaine pour cause de non renouvellement des départs, le Plateau était assiégé. Un journaliste n'était-il pas préposé tous les soirs à la clôture, au cul des rotatives, dans le fief même du Livre ? N'était-il pas chargé de vérifier chaque page, de signer tous les BAT [bons à tirer] ? Inutile de dire que l'humiliant contrôle entérinait la primauté d'un monde sur un autre. Se voir avaliser ce travail séculaire par un jeune SR saisonnier n'était pas un enchantement. On m'avait d'ailleurs prévenu : " Fais gaffe. Il arrive que des pages soient "oubliées" et envoyées directement sur les rotos. "
Je m'étais beaucoup plu dans cet univers. Mais je n'avais pas encore goûté véritablement au terrain. Pigiste, je n'avais fait que du desk, à quelques exceptions près (un article à l'IUT de Champs-sur-Marne et quelques conférences de presse).
Le terrain, au fond, je ne l'avais approché qu'à l'occasion des journaux-école, à Toulouse. Quelques sujets sur l'église Saint-Cyprien, sur le trafic de stupéfiants place Wilson. Quelque tentative infructueuse sur les femmes à barbe de Gimont.

Août 98, donc. Voilà deux jours que je suis revenu à Paris, où ma future femme travaille. L'actuelle instit bretonnante est alors responsable de production dans la confection, dans le Sentier, et a davantage l'occasion de travailler avec des Nipons qu'avec des Bretons. Elle n'a pas encore pris la direction de Lorient.
Je trouve sur mon répondeur le message d'un rédacteur en chef pour un CDI dans un hebdo breton, où j'ai postulé dès le début de mon contrat à Dijon (j'avais bombardé Paris et la Bretagne de CV). Le poste de rédacteur est conditionné par une période d'essai de quinze jours. Il me parle de Plo****l. Je comprends Plou*****l.

Plou*****l, à côté de Carnac et de Quiberon ! Je me vois les pieds entre deux thalassos !
Je fonce.
Tant pis pour la vie de couple qui s'annonçait de nouveau sous les toits de Paris. On fantasme déjà depuis pas mal de temps sur la Bretagne. Message le lundi. Arrivée en gare d'Auray le mercredi matin. Gîte suranné loué pour 15 jours la demi-heure qui suit mon entrée en gare, sur le chemin du centre ville. Le mercredi à 14 h, je rencontre mon futur patron au nom de famille prédestiné.

Il m'avait bien gardé de dire que j'étais en concurrence avec trois autres jeunes journalistes. Mais qu'importe. Je vais remporter la mise à l'issue d'une période d'essai transformée au fil du temps en 4x15 jours (soit beaucoup de CDD). Fin octobre arrive vite, dans mon gîte sans chauffage. Mais je suis motivé comme jamais. J'ai pris goût au terrain. En deux mois, j'ai déjà sillonné tout Quiberon, Carnac, Auray, Etel. Allumé un projet de faux chantier ostréicole-vrai appartement avec vue sur mer dans la bande des 100 mètres. Retissé les liens avec une asso importante de la région qui ne voulait plus entendre parler du journal pour cause d'animateur accusé à tort d'être membre d'une secte*. Séparé Quiberon du continent. Dévoilé une affaire de détournement de fonds... Mon rédac-chef qui n'a pas d'atomes crochus avec moi et n'apprécie pas tellement mes origines pays-de-loiriennes [je crois qu'il m'a longtemps tenu personnellement responsable de la séparation du 44 de la Bretagne] le reconnaît le premier :
" Il pisse la copie. "
De sa propre bouche. Jusqu'à 5 articles/jour. Ma vessie n'a d'ailleurs plus jamais égalé ce rythme frénétique.
Dans les tous derniers jours d'octobre, le rédac chef Cédédo-compulsif prend sur lui pour rompre la série en m'octroyant le poste tant convoité à Plo****l. Bien évidemment, j'ai entre temps appris que Plo****l n'était pas à confondre avec Plou*****l et distant de 60 km de la mer. Mais qu'importe, je suis aux anges.

* NDLR : il est intéressant de noter que le journaliste de l'époque avait une fâcheuse tendance à voir des fidèles partout. Son licenciement en août 98 était d'ailleurs précisément à l'origine du poste à pourvoir. Non pas, toutefois, en raison de ses visions secto-addictives, mais bien d'une tendance affirmée au harcèlement sexuel et au lancer de cendriers.

L'harceleur sera donc remplacé par un harcelé.

(à suivre)

 

 

 

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Commentaires
C
Au fait, merci Ar valafenn pour tes compléments d'information.<br /> Je n'ai pas réclamé une photo déshabillée, moi !
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A
Karagar et Cornus> Je n'ai pas de photo déshabillée, même avec des plages naturistes à portée de main. désolé ! ;-)<br /> Beltram> Et en plus il fait partie d'une secte, Monsieur Mission impossible, non ?<br /> Klegdouarn> Ah mince alors ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Pas trop grave quand même ? Tu t'es battue avec ton ordi et ça a mal tourné ? (la photo est déjà autodétruite, c'est pour ça). :)))
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K
La photo, mon vieux trucmachin d'ordi agonisant me la montre même pas, alors elle peut bien s'autodétruire ! <br /> sinon, oui, la suite stp, j'ai un mois et demi d'arrêt, faut m'amener de la lecture !!!! et de la bonne !<br /> sinon je deviens top neuneu et j'écris des trucs déments !<br /> la suiiiiiiiiiiiiiiiiiite !!!!!
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B
Contre les sectes, une seule solution : un bon coup de Baygon !!<br /> <br /> Alors ta photo s'autodétruira dans cinq secondes ? Ouaaaaaah, c'est le blog de Mission impossible !!! (Ta ressemblance avec Tom Cruise est frappante, hu hu hu !)
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C
C'est vrai Karagar, nous sommes vraiment beaucoup déçus par la photo. A ce prix là, autant la détruire tout de suite ! :-)
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