L'autre casse du siècle
Les élus locaux ne décolèrent pas depuis la présentation courageuse par Nicolas Sarkozy François Fillon du projet de suppression de la taxe professionnelle. En cause ? Le non remplacement (hormis pour l'exercice 2010) de la totalité du produit de cette fameuse TP, principale ressource de nombreuses collectivités.
Mais avant d'aller plus loin, résumons : la taxe professionnelle, payée par les entreprises, est composée de trois parties : une partie assise sur la masse salariale (déjà supprimée il y a quelques années par DSK), une partie assise sur les biens immobiliers (valeurs locatives) et enfin, pour schématiser, une troisième partie sur les équipements (machines outils, etc). Très contestée, unique au monde, elle a de toute évidence un effet pénalisant pour les entreprises, en particulier dans l'industrie. François Mitterrand, en son temps, avait parlé de "taxe imbécile", d'autant que la TP avait été créée par Jacques Chirac en 1975, afin de remplacer la patente.
Ce n'est donc pas tant sa suppression qui heurte aujourd'hui, mais le flou artistique qui règne sur les finances locales. Le président de la République, il faut le dire, n'y est pas allé par quatre chemins, rechignant à remplacer le produit de cette taxe en invoquant la gabegie des élus locaux !
De grâce. Monsieur 8.5 % de déficits publics (contre moins de 3 % à son arrivée) a beau jeu. Les Régions et les Départements sont, de par la loi, formellement tenus d'équilibrer leur budget. Eux. En clair, ils n'ont pas le droit de dépenser plus qu'ils ne gagnent. Ce qui ne les empêche pas, au passage, d'assurer environ 80 % des investissements publics en France...
En transférant depuis plusieurs années des dizaines de milliers de personnels (Atos par exemple) vers les collectivités locales, l'Etat s'est joyeusement défaussé et s'est bien gardé de transférer sur la durée toutes recettes fiscales correspondantes. Résultat : les collectivités locales n'ont pas d'autres choix que d'augmenter les impôts.
S'agissant de la part des régions, par exemple, il est bon de rappeler que leur poids dans le budget des ménages est tout relatif : sur une taxe d'habitation de 500 euros, 0 euro revient à la Région, contre environ 260 euros pour la commune et 130 euros pour le département. Pour une taxe foncière de 500 euros, le montant s'élève en moyenne à une trentaine d'euros contre 250 euros pour une commune et 130 pour le département.
Difficile de ne pas penser qu'en l'espèce, l'Etat cherche à se désendetter à bon compte, sur le dos des territoires, en opérant une recentralisation à peine déguisée. La levée de bouclier des élus locaux contre le très Jacobin Président rappelle les premières heures de la République. A l'heure d'une responsabilisation et d'une autonomie croissante des territoires dans toute l'Europe, ce n'est plus des années de retard que la France accumule. Mais des siècles.