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B u h e z  U r  V a l a f e n n
4 octobre 2011

L'OBSESSION DES CRITERES DE CONVERGENCE

Ainsi la construction de l’Union monétaire serait-elle essentiellement le fait des pouvoirs politiques, des Quinze en Europe ? Les modalités de mise en place de l’euro, décidés par l’ensemble des gouvernements de l’Union européenne lors de la signature de Maastricht, aux Pays-Bas ont conditionné beaucoup de choses, même si ce traité a été par la suite soumis à validation par le peuple (et parfois par voie référendaire).

C’est par le Traité de Maastricht que les règles du jeu, « fixes » et « rigoureuses » (les fameux critères de convergence – lire en annexe 3) ont été établies afin d’assurer une véritable sélection pour le lancement de l’euro prévu pour 1999. Qu’il s’agisse de mesurer le niveau des déficits publics, des dettes publiques ou encore des taux d’inflation et d’intérêt des quinze Etats membres, tous ces critères ont été retenus parce qu’ils sont censés garantir un maximum de stabilité et de crédibilité. Ils sont destinés à prévenir toute tentative de faire « tourner la planche à billet » pour financer les déficits et laisser l’inflation atteindre des niveaux élevés, entraînant un accroissement inévitable de la masse monétaire. Or, qui dit accroissement de la masse monétaire dans des proportions plus importantes que les besoins réels de l’économie dit dépréciation de sa valeur unitaire, nominale.

Les critères de convergence sont donc jugés déterminants. La presse économique fait régulièrement état des ratios atteints, à différents moments de l’année. La participation de chaque pays de l’Union étant conditionnée par ces seules statistiques, leur publication et le débat, parfois technique qui en découle, vont largement retenir l’attention des médias.

Consensus autour d'un baromètre intangible ?

Qu’il s’agisse des Echos, de La Tribune, de Libération économie ou du Figaro économie, l’ensemble de la presse quotidienne économique relayera la question des critères de convergence. Sur un éventail de 21 articles sélectionnés sur cette question, six reviennent à La Tribune, six au Figaro économie, cinq aux Echos et quatre à Libération économie. Un certain consensus existe donc. Chaque publication officielle de nouvelles évaluations au sujet des critères de Maastricht, que ce soit par l’Institut monétaire européen, par le Fonds monétaire international ou en France par le ministère des Finances fait l’objet quasi systématique de brèves voire de ventre de page si ces chiffres sont conformes aux prévisions antérieures, et d’un papier de tête de rubrique (voire la une) s’ils diffèrent d’une manière significative. Ainsi, en février 1997, à l’occasion de la publication des prévisions 1997 du déficit public de la France par Jean Arthuis, conformes aux tendances observées jusqu’alors, le Figaro économie se contente d’un papier en bas de page titrant : « Le déficit 1997 conforme à Maastricht ». La Tribune est à peine plus exhaustive en précisant simplement comment le ministre des Finances compte parvenir à un déficit public de -2.8 % du PIB pour 1997 sous la forme d’un filet d’à peine un feuillet.

En revanche, en publiant le 23 avril 1997 ses prévisions semestrielles sur les critères de Maastricht, la Commission européenne a suscité de nombreux commentaires dans les médias par son optimisme quasi général : « L’Institut monétaire européen qualifie treize pays pour l’euro dès 1998″ à l’exception, notable, de l’Italie, « exclue de l’euro par les chiffres de la commission » (Les Echos) et donc « en sursis » (Libération économie).

Ces statistiques jugées « peu crédibles » par l’ensemble de la presse quotidienne économique font la une des Echos et de La Tribune qui consacrent chacun pas moins de trois articles à ce seul événement. De même, Libération et le Figaro économie ouvrent également leurs pages économies sur ce sujet. Il retient d’autant plus l’attention des quatre titres que le Fonds monétaire international (FMI) publie le même jour des chiffres contradictoires ! Ce paradoxe statistique est mis en exergue : tandis que la Commission européenne évalue les déficits de l’Allemagne et de la France à -3 % chacun contre -3.2 % en Italie, le FMI place ces trois pays sur un pied d’égalité (-3.2 %), les disqualifiant tous du même coup ! Libération rapporte d’ailleurs à ce propos que « l’Italie compte se défendre contre la commission en brandissant les chiffres du FMI »…

« Tous les déficits ne sont pas dangereux »

Querelle de chiffres en perspective ? Peu d’analyses sont dressées dans la presse économique concernant l’interprétation statistique même des critères de convergence. Seul Libération pose véritablement la question de la fiabilité des statistiques et des seuils de ces critères. A noter toutefois l’enquête menée par François Crouïgneau, journaliste aux Echos, publiée le 7 octobre 1996, illustre cet état de fait. Sous le titre, « Tous les déficits ne sont pas dangereux », le quotidien dirigé par Nicolas Beytout est parvenu à plusieurs constats : d’une part, la politique budgétaire est l’un des derniers espaces de liberté des gouvernements. D’autre part, certains déficits peuvent amortir le choc des récessions économiques (déficit public en tête), tandis que d’autres sont effectivement néfastes (comme la dette dont le remboursement pèse lourdement sur le budget des Etats). Et Françoise Crouïgneau de conclure :  » Le fait que l’Europe commence à être prise au sérieux par les Etats-Unis montre que la politique était la bonne. Reste à prouver l’union publique… Pour cela, il est indispensable de leur montrer que faire l’Union monétaire n’est pas un exercice arbitraire et tabou. » Anne Bauer, également journaliste aux Echos confirme : « D’où la nécessité de faire la part des choses et de ne pas laisser passer certaines réalités sous silence. »

Un dernier exemple illustrera également la manière dont l’ensemble de la presse économique traite l’actualité relative aux critères de convergence. Selon Le Figaro économie et La Tribune, le respect des critères est justifié à condition de fixer certains garde-fous : la volonté de la Grande-Bretagne, non seulement de les respecter alors qu’elle n’envisage pas d’adopter l’euro le plus tôt possible (voir pas du tout), mais surtout de réduire ses déficits au maximum, menace directement l’ensemble des pays de l’Union européenne. En réduisant les dépenses publiques, le gouvernement britannique espère réduire la pression fiscale afin de baisser le coût du travail bien en deçà des niveaux observés sur le continent, explique La Tribune dans une enquête datée du 16 avril 1997. C’est ce que l’on appelle le dumping fiscal. La course à la réduction des déficits, à marche forcée, risque d’inciter certains pays à démanteler leurs systèmes de protection sociale afin d’accroître leur compétitivité, que ce soit au sein ou en marge de l’Union monétaire.

Libération économie fait ici figure d’exception. Le journal de Serge July a cette particularité de prêter une grande attention à la situation en Allemagne par le biais de la plume de Lorraine Millot, correspondante permanente à Bonn : « L’Allemagne prise de doutes sur l’euro », « La Bavière accro à son image de mark », « Le mark fait de la résistance à l’euro »… La rédaction rappelle à grands renforts d’articles pleine page que l’avenir de l’Union monétaire est actuellement entre les mains de l’Allemagne, dont les déficits publics, trop élevés, menacent directement l’entrée en vigueur de l’euro et où, surtout, le peuple rechigne à abandonner son deutschmark, dont les preuves ne sont plus à faire, au profit d’une monnaie créée… de toute pièce.

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