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B u h e z  U r  V a l a f e n n
20 janvier 2017

Revenus médians : les régions de France vs les Etats américains

 

 comparaison france-usa compared

revenu médian par ménage régions de france

On objectera volontiers que des stats sont des stats. Et que trop de datas tue les datas. Mais tout de même. Le croisement de certaines séries statistiques, rendues possibles par le web et la mondialisation, apporte parfois de sacrés enseignements. J'avais produit, sur ce même blog en 2014, un jeu de comparaison entre le PIB des Etats amérains et celui de la Bretagne. Il permettait au passage de situer toutes les régions françaises par rapport aux principales subdivisions de pays sur la base de chiffres 2011. Les enseignements étaient surprenants, loin des chiffres officiels. Ainsi, apprend-on que l'Ile de France rivalise avec la Floride, la Bretagne avec l'Etat de Mexico. 

Deux ans et demi après, voilà que le démon des stats me reprend sous un autre jour. Au hasard de quelques recherches, agréable surprise : un site indépendant, www.salairemoyen.com, recense cette fois-ci non pas les PIB ou les PIB/habitant (somme des valeurs ajoutées produites) mais les revenus des ménages, médians de surcroît. En clair : combien les ménages perçoivent-ils de revenus non pas en moyenne (agrégat total des revenus divisé par le nombre de ménages) mais en traçant une ligne virtuelle qui séparerait le nombre de ménages en deux groupes de taille égale : 50 % des ménages gagnant moins que le chiffre médian, 50 % plus. Le revenu médian trace donc une ligne de partage.

Il est de plus en plus souvent admis qu'une médiane est plus pertinente en statistique qu'une moyenne, car de forts écarts suffisent parfois à produire des résultats trompeurs. Prenons par exemple le revenu moyen de la petite ville de Malestroit, en Morbihan (tout juste 2.500 âmes). Celui-ci s'avère nettement supérieur à la valeur médiane du fait de la présence d'une poignée de très (trèèèès) hauts revenus. Résultat : un effet de loupe artificiel qui ne correspond pas à la réalité du niveau de vie local. 

Selon ce site, le revenu médian des ménages en 2011, derniers chiffres publiés à ce sujet, bien avant le redécoupage des régions, s'avère donc le suivant :

1.   Ile de France 2 909 €
2.   Alsace 2 618 €
3.   Rhône-Alpes 2 510 €
4.   Haute-Normandie 2 398 €
5.   Centre 2 395 €
6.   Picardie 2 386 €
7.   Pays de la Loire 2 378 €
8.   Franche-Comté 2 345 €
9.   Aquitaine
2 328 €
10.   Bretagne 2 322 €
11.   Paca 2 318 €
12.   Midi-Pyrénées 2 283 €
13.   Lorraine 2 282 €
14.   Bourgogne 2 264 €
15.   Basse Normandie 2 248 €
16.   Champagne-Ardennes 2 238 €
17.   Poitou-Charentes 2 225 €
18.   Nord-Pas de Calais 2 164 €
19.   Auvergne 2 163 €
20.   Limousin 2 113 €
21.   Corse 2 096 €
22.   Languedoc-Roussillon 2 080 €

En moyenne, un ménage breton, par exemple, gagne 2.322 euros par mois. Peu importe qu'il s'agisse d'un ménage d'un ou de deux actifs, d'un parent isolé, d'un retraité... Un ménage perçoit 2.322 euros de valeur médiane, 50 % gagnant plus, 50 % moins. Une donnée à dissocier d'un autre critère existant : l'unité de consommation, consistant à prendre tous les revenus d'un ménage et à le diviser, pour le coup, par le nombre de personnes de ce ménage (avec un coefficient de pondération selon le nombre d'enfants). 

Instructif, déjà, à ce stade ! On apprend ainsi que les écarts vont de 2.080 à 2.618 euros en province, que l'Ile de France est assez nettement en tête. Pour reprendre notre Breton lambda de tout à l'heure, il se situe juste dans la moyenne des ménages des régions françaises, à la 10e place. Au titre des surprises : en 2011, le revenu médian d'un ménage picard est sensiblement supérieur à celui d'un ménage de la région Paca. Idem pour celui du Midi-Pyrénées. Les mythes ont la vie dure (il est vrai toutefois que le PIB de la Picardie, lui, est largement en-deçà de celui de la région Paca).

Quelles conclusions en tirer ? On peut pressentir d'ores et déjà une chose : la création de richesse n'est pas toujours corrélée aux revenus créés sur un même territoire. En clair, certains territoires bénéficient de davantage de transferts que d'autres : transferts de revenus, transferts de prestations sociales, tout dépend et bien malin qui peut tirer là de grandes conclusions. D'aucuns dira qu'un Francilien travaille plus et mieux qu'un Picard ou un Corse.

Mais la réalité n'est pas si simple. Le PIB de l'Ile de France est boosté par les transferts de revenus remontant des filiales en région vers les sièges sociaux de l'ouest parisien et des Hauts-de-Seine. Sans donner dans le jugement de valeur, le fait est : davantage d'argent circule en Ile de France et arrive dans les poches des ménages franciliens que dans celles d'un ménage picard ou corse.

Mais continuons.

Poursuivons les recherches. Et reprenons cette chère thématique comparative. Direction les Etats-Unis. Il ne faut pas aller bien loin pour retrouver des séries intéressantes : wikipédia en fourmille. Manque de chance, les séries obtenues sont en dollars et enjambent l'année 2011 : 2009 d'un côté, 2015 de l'autre. Pour comparer le revenu médian d'un Américain à celui d'un Français, il faut donc se plier au jeu des conversions.

Convertissons donc à partir de la valeur du dollar de 2011, soit 1,37 pour un euro en moyenne. Pour comparer des données de la même année, le parti est pris de soustraire les revenus médians de 2009 de ceux de 2015 et d'ajouter un tiers de ce différentiel aux chiffres de 2009. Le résultat n'est pas le reflet exact de la réalité mais il permet néanmoins d'obtenir une valeur aussi cohérente que possible et, ainsi, cette série :

1  Maryland 70 713
2  Alaska 69 673
3  Connecticut 69 986
4  New Jersey 68 347
5  New Hampshire 65 603
6  Massachusetts 65 341
7  Hawaii 64 237
8  District of Columbia 62 884
9  California 60 499
10  Washington 60 113
11  Virginia 60 049
12  Minnesota 59 987
13  Colorado 59 152
14  Utah 58 831
15  Delaware 57 159
16  Illinois 56 115
17  New York 55 774
18  Wyoming 55 418
19  Rhode Island 54 646
20  Vermont 54 243
21  Pennsylvania 53 143
22  Nevada 52 897
23  Oregon 52 583
24  Iowa 52 314
25  Nebraska 51 820
26  Wisconsin 51 804
27  North Dakota 51 023
28  Texas 50 997
29  Kansas 50 166
30  Arizona 49 913
31  Missouri 49 885
32  Georgia 48 649
33  South Dakota 48 384
34  Michigan 48 238
35  Ohio 48 030
36  Ile de France 47 824
37  Indiana 47 610
38  Maine 47 408
39  Idaho 47 159
40  Florida 46 099
41  North Carolina 46 048
42  Montana 45 346
43  South Carolina 45 203
44  New Mexico 43 725
45  Louisiana 43 635
46  Tennessee 43 593
47  Oklahoma 43 468
48  Alsace 43 040
49  Alabama 41 829
50  Rhône-Alpes 41 264
51  Arkansas 41 259
52  Kentucky 40 844
53  Haute Normandie 39 423
54  Centre 39 374
55  West Virginia 39 231
56  Picardie 39 226
57  Pays de la Loire 39 094
58  Franche Comté 38 552
59  Bretagne 38 174
60  Paca 38 108
61  Mississipi 37 776
62  Midi Pyrénées 37 533
63  Lorraine 37 516
64  Bourgogne 37 220
65  Basse Normandie 36 957
66  Champagne Ardennes 36 793
67  Poitou-Charentes 36 579
68  Nord Pas de Calais 35 576
69  Auvergne 35 560
70  Limousin 34 738
71  Corse 34 458
72  Languedoc Roussillon 34 195

En intégant les 22 régions métropolitaines aux 50 Etats américains, on obtient ce palmarès surprenant et, pour tout dire, peu flatteur pour les Français : un ménage d'Ile de France médian gagne autant qu'un ménage d'Ohio, d'Indiana, du Maine, de Floride, loin du revenu médian d'un ménage du Maryland, ce petit Etat au sud de New-York, d'Alaska ou du New Jersey. Plus inquiétant : un ménage de la riche Alsace ou de Rhône-Alpes côtoie le niveau de revenu médian d'un habitant du vieux Sud déshérité : Tennessee, Alabama... Quant aux autres régions françaises, elles trustent quasiment toutes les 20 dernières places du classement ! Un ménage de Bretagne ou de Paca flirte avec le dernier de la classe américaine, les autres régions faisant jusqu'à 3.500 euros/an de moins qu'un ménage médian du Mississipi...

Seul bémol admissible en l'état : ces chiffres n'intègrent pas les différences de coût de la vie. Il conviendrait de pondérer ces données en prenant en compte le coût des produits et services marchands (généralement favorables aux Etats-Unis) et le coût des services éducatifs ou sanitaires (plus favorables à la France). On appelle cela des statistiques à parité de pouvoir d'achat (PPA). On peut considérer, à priori, qu'un ménage français avec enfants est donc moins défavorisé à l'arrivée que ne le suggèrent ces statistiques, à l'inverse d'un jeune actif ou d'un retraité. Mais une chose est sûre : ces écarts entre les revenus médians de part et d'autre de l'Atlantique, bien plus élevés que les écarts de PIB d'ailleurs, révèlent un vrai problème. A création de richesse égale, un ménage américain perçoit davantage qu'un ménage français. Contrairement aux idées reçues, un ménage américain médian vit mieux tout inclus, y compris après transferts sociaux. Et gageons que la tendance n'a fait que s'accroître depuis 2011 au vu de l'ampleur de la crise en Europe et ce, alors que la croissance aux Etats-Unis est durablement repartie dans le même laps de temps...

Sources : 

https://en.wikipedia.org/wiki/Household_income_in_the_United_States#Income_by_state

http://www.salairemoyen.com/classement.php

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Commentaires
A
Il me semble qu'aux Etats-Unis, l'immobilier est globalement mieux rémunéré : les prix de l'immobilier ne sont pas si élevés que ça par rapport à la France ou au Royaume-Uni. Les loyers le sont davantage en proportion. Nous avions fait le calcul pour tenter l'expatriation pendant quelques années (mon épouse avait un plan là-bas), on se retrouvait perdants. Notamment du fait des loyers. Ils servent des rendements aux propriétaires plus élevés qu'en France. Le fait d'avoir des enfants n'était pas évident non plus. Pas simple, en effet, les comparaisons. Mais l'initiative privée est clairement favorisée et moins taxée. La taxation finale en France est sans comparaisons possibles. Et ça se ressent sur le niveau de création de valeur ajoutée...
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C
Il est sûr que la moyenne n'a pas forcément grand sens et pourtant, journalistes et politiques en donnent sans arrêt. Le minimum à faire seraient de donner l'écart-type. Fromfrom m'entend souvent râler à ce sujet. Sinon, la médiane, oui, mais un histogramme avec les quartiles, déciles, centiles, c'est pas mal non plus pour voir comment se structurent les données selon une variable.<br /> <br /> Ensuite, comme tu le dis à la fin, les comparaisons entre régions françaises (et plus encore avec les États-Unis) n'a de sens que si l'on tient compte du coût de la vie, en particulier les loyers ou le coût de l'immobilier en France. Cela peut expliquer en partie les 4 derniers du classement, même s'il existe à mon sens de grosses disparités au sein même des régions.<br /> <br /> Il y a aussi un autre paramètre à prendre en compte à mon avis (je dis ça, mais je ne suis pas spécialiste), c'est l'endettement des ménages et leur épargne et d'après ce que je sais, aux États-Unis, on est assez champion de l'endettement et en France, on l'est pour l'épargne. Donc, tout cela pris en compte, cela permettrait de relativiser (ou de confirmer ?).<br /> <br /> Merci Balafenn pour ce travail et ces réflexions.
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