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B u h e z  U r  V a l a f e n n
bretagne
30 novembre 2023

D'une Marche de Bretagne à l'autre...

 

brocéliande 1

 Landes de la forêt de Brocéliande, près de Tréhorenteuc (photo BuV)

Pour avoir longtemps vécu dans ce qui est appelé le pays de l'Oust à Brocéliande (pays de Ploërmel) et avoir beaucoup sillonné les routes de l'Est du Morbihan (Rochefort en Terre, La Gacilly, Questembert jusqu'aux confins du pays de Redon...), j'ai acquis la conviction que les marches entre basse et haute Bretagne historiques sont des terres particulièrement fertiles. La défense de la culture bretonne et gallèse n'y est pas un vain mot. Le foisonnement de la vie associative, culturelle est remarquable et je me suis même demandé, vivant maintenant en basse Bretagne, si les Bretons de cette partie de la région n'avaient pas gardé une conscience plus aïgue de l'intérêt de la préservation de sa culture, tout en s'ouvrant aux autres.

Dans la partie de la basse Bretagne où je vis, la culture bretonne résonne comme une évidence, un acquis. Non pas qu'elle soit négligée et que la richesse de la vie culturelle et patrimoniale soit discutable, mais parce que je n'y retrouve pas ce supplément d'âme de "gardiens" de cette zone de transition entre Bretagne bretonnante et Bretagne gallèse. 

De la frontière du pays gallo aux marches de Betagne

On retrouve un peu cet état d'esprit aux Marches orientales de la haute Bretagne, à la limite de la Normandie, de la Mayenne, du Maine et Loire et de la Vendée... avec une nuance toutefois. La culture bretonne et en particulier bretonnante s'y est diluée de longue date (voire n'a jamais vraiment percé jusque là). Les vestiges historiques témoignent de ce lointain héritage : Machecoul, Clisson, Tiffauges, Ancenis, Châteaubriant, Vitré, Fougères... illustrent ce riche passé de défenseurs des marches de Bretagne. On peut citer également Saint-Aubin du Cormier pour sa célèbre bataille. Le rappel aux racines bretonnes y est souvent visible à ses châteaux et ses lieux de bataille. C'est l'autre marche de la Bretagne, celle qui a pendant longtemps dû verser son sang pour assurer la  la protection des habitants de tout le reste du Duché.

Une Bretagne aux premières loges, en quelque sorte.

J'avais envie, par cette note, de leur rendre hommage. Car sans ces marches de la Bretagne, tout à l'est et au sud, que serait-il advenu de TOUTE la Bretagne ?

Ces marches sont qui plus est tronquées, la Loire-Atlantique (à l'inverse de l'Ille et Vilaine) ayant été administrativement jetée d'un trait de plume dans une autre région. Mais le fait est, on y ressent encore le poids du passé et les lointains descendants des Bretons des Marches ne sauraient oublier que leurs ancêtres ont joué un rôle clé dans la défense de la Bretagne. D'une part la marche protège les territoires situés dans l'actuelle Bretagne et inversement, c'est une zone défensive pour le royaume des Francs. 

L'intégration des marches successives à la Bretagne, à commencer par ce qui est devenue la zone de transition entre haute et basse Bretagne, s'est faite en plusieurs temps. Peu après l'arrivée des premières grandes migrations du Ve siècle, c'est-à-dire dans la première moitié du VIe, les Bretons s'installent déjà dans le Vannetais, qui devient le Broërec (on est alors du temps du roi Waroch). Puis vient le temps de Nominoë, nommé comte de Vannes en 819 par un roi franc, Louis le Pieux en l'occurrence. Pour aller vite, les marches "vannetaises" ne sont déjà plus qu'un souvenir, car le territoire est fortement bretonnisé et la poussée bretonne s'est déplacée bien plus à l'Est, en pays nantais.

Et c'est plutôt sur ces terres orientales que vont se jouer les principales batailles entre Bretons et Francs. 

Trois figures vont émerger dans ces marches du pays nantais : la première s'appelle Lambert, au VIIIe-IXe siècle. Lambert est un Widonide, issu de la noblesse franque, qui règne sur le comté de Vannes puis de Nantes, avant d'être évincé des marches de Bretagne pour avoir soutenu Lothaire dans la guerre civile. La deuxième, c'est celle de Renaud d'Herbauges, à qui Charles le Chauve confie le comté de Nantes. Renaud d'Herbauges est dit Aquitain, mais semble surtout avoir noué des relations étroites avec les Angevins du Maine. Renaud d'Herbauges s'oppose clairement aux Bretons, en particulier à Nominoë, tandis que Lambert II de Nantes, lui, successeur de Lambert Ier et troisième grande figure, choisira de s'allier au chef breton.

C'est toute l'ambivalence des relations entre Bretons et Francs qui s'exprime ici et que l'on retrouve encore aujourd'hui. En ça, cela la distingue fortement des premières marches que j'évoquais en début d'article, particulièrement ancrés dans la culture bretonne. Cette terre de marches orientales est tantôt bretonne, tantôt française. Des Francs de sang luttent contre les Bretons mais prennent aussi partie pour eux.

Renaud d'Herbauges meurt à la bataille de Messac, tandis que Lambert II, le pro-breton, connaît un sort meilleur : il chasse les vikings, se rend maître de la ville de Nantes et prépare déjà, au fond, la victoire des Bretons de Nominoë sur Charles le Chauve en 845 à la bataille de Ballon, à Bains sur Oust. Lambert II le Franc a ainsi joué un rôle clé dans la victoire des Bretons à Ballon, qui scelle l'indépendance de la Bretagne. 

A la mort de Nominoë en campagne, son fils Erispoë lui succède. Celui-ci vient à bout des Francs qui tentent de nouvelles incursions dans les marches de la Bretagne. Charles le Chauve est contraint de renoncer une bonne fois pour toute. Le traité d'Angers concède les insignes de la royauté à Erispoë tandis que les comtés de Rennes, Nantes et du pays de Retz (actuelle rive sud de la Loire de la Loire-Atlantique) sont acquis aux Bretons. La marche de Bretagne, cette zone tampon militarisée, est incorporée au royaume de Bretagne.

Guerre de Bretagne

Places fortes des marches de Bretagne pendant la guerre Guerre de Bretagne de 1465-1491, prélude au rattachement à la France (Wikipédia).

L'autre marche, méconnue, de la Bretagne

Moins connues sont ces autres marches de Bretagne qui se sont constituées comme pour créer, par des alliances, une première zone tampon encore plus à l'est. C'est le cas dans la région de Clisson et de Tiffauges et même bien au-delà jusqu'en pays de Thouars, en Poitou (dans l'actuel département des Deux-Sèvres). Dès le XIIe siècle, des intérêts communs unissent ainsi les Bretons et les comtes de Thouars : les premiers pour constituer ces marches de Bretagne et contenir les menaces, les seconds pour contrer l'influence des Plantagenet et de l'Aquitaine. Ce rapprochement se concrétise essentiellement par le mariage de Guy de Thouars avec Constance de Bretagne, descendante directe des rois bretons (par Alain le Noir son père, issu de la maison de Penthièvre). Constance de Bretagne est par ailleurs Ecossaise par sa mère. Le message n'en est que plus explicite à l'attention des Anglais et des Plantagenet... 

J'ai longtemps méconnu ce chapitre de l'histoire de la Bretagne (et du Poitou) jusqu'à découvrir, au gré de recherches généalogiques, que je descends de Constance de Bretagne et Guy de Thouars par le biais de familles que je croyais poitevines mais qui sont en fait bien bretonnes : à compter de cette alliance et pendant plusieurs siècles, les unions entre la maison de Thouars et la noblesse bretonne seront récurrentes et ce, jusqu'à Louis d'Amboise, marié à Louise-Marie de Rieux, puissante famille bretonne jadis bien implantée dans toute l'actuelle Loire-Atlantique et en Morbihan (paroisse de Rieux, fief de la famille, mais aussi Rochefort [en Terre], Josselin, Nozay, Châteaubriant, Bougon, etc...). Une bonne partie des habitants de ces marches descend des familles de la chevalerie bretonne (familles de Rieux, de Machecoul, de Clisson, etc). Pendant plusieurs siècles, on estime qu'environ 2 000 chevaliers et écuyers bretons ont ainsi essaimé dans ces marches allant du pays de Thouars au nord-ouest de l'actuelle Vendée.

Les transferts ont été légion et en échange de leurs services, nombre de chevaliers et écuyers bretons ont ainsi reçu des terres et des domaines, souvent par alliance. Ils ont fait souche. Les unions entre familles bretonnes et poitevines (ou plus exactement de la maison de Thouars car, bien que Poitevins, ils s'opposaient à ces derniers) ont été significatives. Citons quelques noms tels les de Tinguy, Chasteigner (de part et d'autre de la Loire), Botrel (famille bretonne du pays de Nantes alliée aux Chasteigner), Cathus (famille poitevine descendante du seul chevalier poitevin ayant combattu au combat des Trente aux côtés des Bretons), Regnault de Plouer (famille bretonne alliée des Cathus qui a fait souche à Saint-Benoît sur Mer), de la Musse/de la Muce (famille bretonne du pays de Retz, de Pornic et du Petit-Mars au nord de Nantes), Le Boeuf (famille descendante des Rieux-Rochefort et de Rougé), Durcot (famille poitevine d'ascendance bretonne, notamment par les de la Muce, et possiblement descendante d'un chevalier écossais et ) qui se sont alliés à des familles de la maison de Thouars et ont fait souche en Vendée et en Loire-Atlantique. Etc. Rappelons que les territoires gérés par la maison de Thouars débordaient largement sur la Vendée actuelle. Les alliances étaient fréquentes dans la région de Roche-Servière, Montaigu, Saint-Fulgent, Les Essarts, La Merlatière ou encore Mouchamps.

 

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 Le château de La Trémoïlle à Thouars  (Deux Sèvres Tourisme).

A la chute de la maison de Thouars, cet ensemble va se diluer dans l'actuel Poitou et ces familles avec. Nombre de chevaliers bretons ont livré des combats du côté de la maison de Thouars contre ceux qui furent appelés "les écorcheurs", ces mercenaires bien nommés plus ou moins affranchis du roi de France, en l'occurrence Charles VII (1403-1461), qui, tels Georges de la Trémoïlle* (1384-1446), rançonnèrent et pillèrent le royaume. On peut les comparer à des corsaires mais sur terre. Et des corsaires à échelle variable, faisant aussi œuvre de piraterie : à cheval, ils livraient bataille tantôt pour leur compte personnel tantôt pour le roi de France. Souvent pour les deux à la fois.

L'opposition du vicomte de Thouars Louis d'Amboise (1392-1469) aux écorcheurs - et apparentés - est mal perçue par le roi de France, qui jalouse qui plus est la richesse considérable de la maison de Thouars. Louis d'Amboise est accusé de crime de lèse-majesté. En 1431, à l'issue d'un guet-appens tendu par Georges de la Trémoïlle et ses hommes, il est chargé de fers et jeté dans un cachot du château de Poitiers. Lors de ce guet-appens qui se déroule entre Poitiers et Parthenay, Georges de la Trémouille/Trémoïlle fait couper la tète "aux sires de Lezay et de Vivone" [Antoine de Vivonne et André de Beaumont, seigneur de Lezay alliés du connétable de Richemont] qui accompagnent Louis d'Amboise de Thouars, se contentant sur ordres de réduire ce dernier à une pénible captivité.

Son épouse, la Bretonne Louise-Marie de Rieux dite "La dame de Rieux noble châtelaine de Thouars" (1405-1465) s'arme pour reconquérir ses domaines lâchement envahis. Elle est secondée par les efforts des sires bretons de Beaumanoir et de Rostrenen et recouvre les châtellenies de Marans, de Benon et de l'île de Ré. Face à Charles VII, qui manoeuvre (plus ou moins) à ses fins Georges de la Trémoïlle, la maison de Thouars peut compter en effet sur le soutien du Connétable de Richemont, Arthur III (1395-1458), futur duc de Bretagne - Breton emblématique de Vannes, la sculpture de l'homme à cheval sur la place de l'hôtel de ville, c'est lui. Mais les Bretons prennent peu à peu leurs distances, tiraillés entre les deux camps. Le connétable de Richemont n'a pas toujours été non plus très au clair avec Georges de la Trémoïlle, pas toujours si ennemi que ça, avec qui il s'est un temps associé pour liquider un ennemi commun*... Le Duc Jean V de Montfort finit par adopter une "bienveillante neutralité"...

Louis d'Amboise ne sort des geôles qu'en septembre 1434 "grâce aux prières de la reine Marie d'Anjou"... Comprendre surtout l'affaiblissement de la faveur de Georges de la Trémouille auprès du roi de France. Charles VII commence à changer d'opinion sur les écorcheurs, diablement efficaces mais aux méthodes trop brutales... Il réfléchit à la constitution de ce qui deviendra la première armée régulière de France. Une partie des biens confisqués est rendue à Louis d'Amboise, mais les lettres de rémission (appelons ça une demande de grâce moyennant quelques concessions) lui enlèvent au profit du roi "les chasteaux, terres et chastellenies de Talmond et de Château-Gontier, ainsi que la seigneurie d'Amboise, ensemble les foy, hommages, fiefs, arrière-fiefs, droits, noblesse, prérogatives, profits et émolumens quelconques des dits biens".

Le sire de Thouars, et je cite ici Histoire de Vendée, "ne conserva point rancune des mauvais procédés du roi de France à son égard. Soumis, suppliant, meurtri de blessures judiciaires et royales, il ne se rappelle que le serment de fidélité qu'à sa sortie de prison il a prêté à Charles VII qui, l'année suivante, lui rendit tous ses biens, sauf la seigneurie d'Amboise, et lui permettait même plus tard de réaliser ses projets de mariage de sa fille aînée avec Pierre de Bretagne, dont l'union fut célébrée en 1442".

La chute de la maison de Thouars...

Retournement de situation pour le moins invraisemblable dans l'histoire : en 1445, une réconciliation est actée entre Louis d'Amboise et Georges de la Trémouille. La plus jeune fille du vicomte de Thouars, Marguerite d’Amboise, épouse Louis, le fils aîné de Georges de la Trémouille, son pire ennemi ! C'en est finit de la maison de Thouars et de ses relations privilégiées avec les Bretons. Elle finit par atterrir dans les mains... du roi de France (ou plutôt son successeur Louis XI, Charles VII étant décédé entre temps), après avoir transité par celles de Georges de la Trémouille : "Abreuvé d'injures par les siens, qui lui reprochaient sa vie dissolue et ses débordements et demandaient son interdiction, poursuivi par la haine de Louis XI, Georges de La Trémouille abandonna par testament du 25 janvier 1461, à titre de donation, tous ses biens, se réservant un simple usufruit, une pension de 4,000 livres, et le retour en cas de naissance d'enfants mâles de son second mariage (...). La mort du vicomte de Thouars, Louis d’Amboise, en 24 février 1469, donna à l'œuvre de spoliation son complet dénouement. En vain sa fille aînée, Françoise d’Amboise, la veuve du duc de Bretagne, retirée dans son monastère de Couets, près de Nantes [juste à côté de l'aéroport de Nantes qui, au passage, a été construit sur d'anciennes terres des familles Chasteigner et à priori Botrel, NDLA], en appelle à la justice du Parlement des décisions du grand conseil. Mais ainsi que la féodalité venait expirer aux pieds du trône, de même la justice des Parlements était impuissante contre la volonté souveraine du monarque." (source : Histoire de Vendée).

Louis XI se montra toutefois plus magnanime que son prédécesseur et concéda, peut-être, une forme de spoliation dans l'oeuvre de Charles VII. Il décida finalement de restituer le château à la famille de La Trémoïlle, sa haine visant plus spécifiquement Georges*. La famille conservera finalement la propriété du château jusqu'à la Révolution.

AVIS. Je suis par ailleurs intéressé par toutes infos, témoignages, précisions concernant cette période "bretonne" de la maison de Thouars (familles descendants de chevaliers bretons ou en rapport avec ce conflit opposant Maison de Thouars, Charles VI et Georges de la Trémouïlle (appelés parfois événements de la Praguerie).

Anne de Bretagne

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 Anne de Bretagne et sa fille, Renée de France (Wikipédia).

... et les connexions méconnues d'Anne de Bretagne

Pour clore ce chapitre de l'histoire de ces autres marches méconnues de Bretagne, tout aussi méconnus sont les liens qu'entretenait Anne de Bretagne (1477-1514) avec le bas Poitou, en particulier au château du Parc Soubise, à Mouchamps en bas Poitou, tenu par Jean V de Parthenay et son épouse Michèle de Saubonne (1485-1549). Remariée alors au roi Louis XII, Anne de Bretagne s'est liée d'amitié avec Michelle de Saubonne, dame d'atours érudite et appréciée de la cour du roi de France, amie du grand mathématicien François Viète. Anne de Bretagne confie l'éducation de sa fille Renée de France à Michelle, "elle-même mathématicienne renommée qui recevait à sa cour au Parc Soubise tout ce qui comptait d’intellectuels dans la province". Michelle de Saubonne devient en effet sa gouvernante.

Les alliances entre les Bretons et Français se nouent après le rattachement de la Bretagne sous bien d'autres formes encore. En particulier au Parlement de Bretagne, dont le principe est d'augmenter le nombre de sièges mais tout en réservant 50% de ceux-ci à des non Bretons (dits les non originaires - lire notamment page 410), comprendre des nobles et des intellectuels du royaume de France, essentiellement issus des provinces voisines. Ainsi retrouve-t-on un certain Joachim Descartes conseiller au Parlement de Bretagne à Vannes, qui n'est autre que le père de René Descartes (1596-1650). Le frère aîné de René Descartes, Pierre, siégera lui aussi au Parlement de Bretagne et épousera la Bretonne Marguerite Chohan, dame de Kerleau en Elven. Mais ceci est déjà une autre histoire...

 * Georges de la Trémouille, il faut le dire, ne passait pas pour être un saint. A sa cruauté militaire s'ajoutait aussi sa cruauté - et cupidité - à l'encontre de ses épouses : il maltraita sa première femme Jeanne II d'Auvergne, très riche veuve du duc Jean Ier de Berry, la dépouilla et la ruina, à tel point que Charles VII autorisera Jeanne d'Auvergne à user librement de ses biens et à se mettre à l'abri des mauvais traitements de son mari. Il s'associa avec le connétable Arthur de Richemont pour faire exécuter Pierre II de Giac, avec qui ils étaient fâchés, et dont il visait la fortune de la très riche épouse, Catherine de l'Isle Bouchard. En février 1427, le mari gênant fut enlevé, jugé sommairement, puis jeté vivant dans une rivière, cousu dans un sac de cuir... Méthode à la Nantaise, déjà...

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Cottes de chevalier vers 1400-1440  (photos BuV, château de Calmont d'Olt)

 

Ci-dessous pour le clin d'oeil : deux cartes en parallèle. Celle des Places fortes des marches de Bretagne pendant la guerre Guerre de Bretagne de 1465-1491 citée plus haut, et un Google Maps des toponymes "La Bretonnière" en Bretagne et en Vendée...

 Guerre de Bretagne L'exemple La bretonnière - marches de Bretagne

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10 novembre 2023

Réfugiés irlandais en Bretagne : du mythe à la réalité (méconnue) au 17e siècle

 

Pettie_-_Jacobites,_1745

Il est des ouvrages atemporels, de ceux sur lesquels on tombe par hasard et qui vous interpellent comme l'évidence. Vous le parcourez avec une certaine avidité en vous disant : "C'est ce que je cherchais, depuis des lustres !"

Dans mon cas, cet ouvrage apporte des réponses à une question qui me taraudait depuis longtemps au sujet de la Bretagne. Comment se fait-il que l'on entende régulièrement des Bretons vous dire qu'ils descendent d'Irlandais mais sans jamais obtenir d'eux des précisions tangibles ? Cette ascendance reste vague, comme une sorte de légende. Au fil de mes questionnements et de mes rencontres (je vous rassure, je ne suis pas un fétichiste exclusif de cette question) j'ai obtenu parfois des réponses, mais je restais sur ma faim. Tel "Collin" ou "Colin" descendrait d'Irlande. Un féru d'histoire locale du nom de Brien(d/t ?) de la région de Ploërmel m'a dit un jour descendre d'un O' Brien. Des Roussel (ou Rouxel) du pays vannetais m'ont soutenu descendre d'un Russel de la Verte Erin. Mais personne n'était en mesure de me citer un ancêtre direct.

Alors, mythe ou réalité ?

Le mythe est d'autant plus tenace que les migrations irlandaises en Bretagne reflètent plusieurs réalités, plusieurs temporalités devrais-je dire. Les ouvrages d'histoire évoquent tantôt les grandes migrations du Ve/VIe siècle (avec ses fameux saints évangélisateurs) tantôt la grande famine du XIXe siècle. Et puis, parfois, aussi, les migrations des Jacobites, au XVIIe, sur fond de guerre de religion entre Anglais protestants et Irlandais catholiques. 

Et voilà que cet ouvrage apporte un fourmillement d'éclaircissements sur ce qui aurait bien pu être la plus importante vague de migrations venant d'Irlande en Bretagne : Les Réfugiés Irlandais au 17ème siècle en Bretagne de Patricia Dagier.

Le livre date de 1999 et a été enrichi en 2016. L'auteure a signé quelques remarquables ouvrages comme Les réfugiés irlandais au 17ème siècle en Finistère, Jack Kerouac. Au bout de la route… (en collaboration avec Hervé Quéméner), Les cousins bretons du Manitoba (en collaboration avec Patricia Joncour)... 

Dans Les Réfugiés Irlandais au 17ème siècle en BretagnePatricia Dagier a épluché les registres paroissiaux. Elle y rappelle en préambule : "Si les registres paroissiaux du 17ème et du début du 18ème siècle constituent l’essentiel des sources utilisées pour la réalisation de ce travail, il a été possible de compléter ces données grâce aux archives de la série B du Finistère et à celles contenues dans le fonds constitué par Henri Bourde De La Rogerie, fonds conservé aux archives départementales d’Ille-et-Vilaine sous les côtes 5J70 à 5J75. Certains documents relevés par ce dernier alors qu’il était directeur des archives à Quimper à partir de 1897, avant d’occuper la même fonction à Rennes en 1912, ne sont en effet plus consultables soit parce que les originaux ont disparu soit parce qu’ils sont en trop mauvais état. Quelques données concernant des Irlandais arrivés au cours du 18ème siècle figurent également dans cette étude. Des "Hibernois" du Morbihan, des Côtes-d’Armor, d'Ille-et-Vilaine et autres points de Bretagne y sont également mentionnés."

Voilà pour la méthode de cet ouvrage décidément passionnant.

Le résultat de cette riche compilation, c'est une synthèse très instructive suivie d'un inventaire paroisse par paroisse de la présence irlandaise au XVIIe siècle et au début du XVIIIe (avant les révoltes jacobites puis pendant).

L'apport irlandais a été significatif. L'auteure rapporte les propos d'Henri Bourde de la Rogerie qui estima qu'environ 19 000 Jacobites débarquèrent rien que dans les trois villes de Brest, Morlaix et Landerneau entre le 3 janvier 1691 et le 6 juin 1692*. C'était sans compter le fait que cette émigration irlandaise en Bretagne a débuté bien avant. Patricia Dagier cite ainsi l'assemblée des États de Bretagne, réunie à Tréguier en 1607. Il y est déclaré déjà : "(...) Le pays est chaque jour rempli d'étrangers irlandais, tous mendiants... il y en a tant d'eux maintenant qu'on ne peut plus voir autre chose dans les villes et villages du plat pays... Ils incommodent les pauvres gens, les obligeant à les loger jusqu'à ce qu'ils usent de violence..." (Archives départementales d'Ille-et-Vilaine. C 2647 12.11.1607). Un document rédigé en 1666 et intitulé « Etat et Roolle des Irlandais catholiques habitués de la Province de Bretagne » vaut aussi le détour. Il est conservé aux archives du ministère des Affaires étrangères (Mémoires et documents, Fonds France, Manuscrit 1508, folios 329-336). Il recense les noms d'environ 200 émigrés, certains avec leurs professions, nombre d'enfants et même quelques anonymes.

Au fil des décennies, ces Irlandais (ou Hibernois, donc) ont connu des fortunes diverses, relate Patricia Dagier. Certains sont morts dans la misère, en particulier des enfants en bas âge, d'autres sont repartis en Irlande ou dans d'autres provinces. Mais nombre d'entre-eux ont fait souche et se sont rapidement mélangés aux autochtones. Avec même parfois des réussites fulgurantes car certains émigrés étaient qualifiés, en particulier dans les métiers du Droit (notaires), du commerce. Il y eut aussi des écclésiastes. L'auteure pointe d'ailleurs en filigrane à plusieurs moments de son ouvrage un décalage entre la perception de ces émigrés irlandais par les autorités elles-mêmes (des mendiants qu'il convient de chasser, en substance) et l'accueil beaucoup plus favorable fait par la population. Les exemples d'enfants irlandais adoptés ou parrainés sont légion. Il convient vraiment de s'attarder sur les pages qui, paroisse par paroisse, relatent les heurs et malheurs de ces ancêtres avec leurs noms, prénoms, et parfois informations sur les circonstances de leur arrivée, de leur accueil par la suite...

L'apport irlandais a été en particulier important en Finistère (surtout dans le Léon) mais aussi dans le Morbihan (notamment à l'ouest et dans le nord-ouest du département), les Côtes d'Armor, le nord de l'Ille et Vilaine. On découvre ainsi que certains Le Roux descendraient de Rourke. Que les Cléry, Dillon, Angelin, Séchan, Quéran, Meller, Coattelan ou Connor sont aussi à rapprocher d'ancêtres irlandais, souvent Jacobites. Et que, plus étonnant, il en serait de même de certains Le Borgne et Le Born, à rapprocher de Bourne/Bourn.

Le lien pour parcourir cet ouvrage en ligne est ici. Mais n'hésitez pas aussi à l'acquérir chez votre libraire préféré, il n'est jamais trop tard pour bien faire, et bien lire !

* Cette vague d'Irlandais catholiques en France fait écho au mouvement inverse. Moins d'une décennie plus tôt en France, à la suite de la révocation de l'Edit de Nantes, des dizaines voire centaines de milliers de protestants (les fameux Huguenots) ont fui la France (quand ils n'ont pas accepté d'abjurer de force pendant les années 1681-1685) pour l'Angleterre, Jersey, la Hollande, le Canada, l'Afrique du Sud, etc. 
21 février 2023

Jusqu'où les rois bretons se nichent...

Jusqu'où les rois bretons se nichent...
... diantre, jusqu'en Vendée, chez l'ennemi héréditaire ! l subsiste, de nos jours, une profonde méconnaissance entre Bretons et Poitevins. C'est un peu comme si, d'un point de vue culturel et historique, une frontière étanche demeurait entre ces deux...
10 janvier 2023

"Bretagne un sol", une énigme en terre vendéenne

 

 bretagne un sol

Avis aux connaisseurs. Au hasard de recherches généalogiques, je suis tombé sur un écusson à l'origine inconnue :

"Bretagne un sol" (en haut page de droite).

C'est d'autant plus surprenant que ce tampon a été apposé en guise de sceau sur un registre paroissial de La Bruffière, en bas Poitou (actuelle Vendée), non loin de Clisson, en 1677.
Le Bas Poitou n'était pas alors en terre bretonne. C'est donc tout à fait étonnant.
C'est en recherchant des informations sur le décès d'un dénommé Pierre Mainant (Menand ?) que je suis tombé sur cette curiosité.

Cela aurait-il un rapport avec les guerres de Vendée ? S'agissait-il d'un message politique ?

Avec un peu de chance, quelqu'un d'informé aura peut-être l'occasion de tomber sur ce message et de répondre un jour à cette énigme...

Merci par avance ;-)

 

21 décembre 2022

Le crime masqué du républicanisme, destins croisés

 

Destins et regards croisés. A l'heure où il est bon, plus que jamais, de regarder l'histoire en face, jetons un coup d'œil dans le miroir d'internet. 

Deux spectres apparaissent.

L'un sous ces traits :

CANUEL Simon Gravure

 

L'autre est difficilement discernable sur la toile. Paradoxe : les Français, et surtout les Parisiens, le croisent très fréquemment sans le savoir. C'est l'un des 660 héros de l'Arc de Triomphe.

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Ces deux noms sont reliés par une histoire commune : ils ont servi dans l'armée républicaine française jusqu'à gravir les plus hautes marches, pendant la Révolution puis sous l'Empire et même sous la Restauration pour le premier.

Leurs premiers grands faits d'armes ? Les guerres de Vendée. Au sens large. Le mouvement insurrectionnel (appelé aussi Guerres de l'Ouest) ne s'est pas limité aux frontières de la Vendée ni même de ce que l'on appelle la Vendée Militaire (deux tiers nord de la Vendée+le sud de la Loire Atlantique+les Mauges en Maine et Loire et le Gâtinais en nord Deux-Sèvres). Il a embrasé une bonne partie de l'Ouest de la France des Mauges et du bas Poitou jusqu'aux confins de la Manche et de la région d'Auray et de Quiberon, en Bretagne. 

Nos deux hommes ont ceci de commun d'avoir gagné rapidement l'attention de leurs supérieurs et de s'être distingués dans les mêmes heures des Guerres de Vendée. Vous le verrez, leur destin in fine bascule. Leur postérité en quelque sorte aussi.

Le premier s'appelle Simon Canuel. Il est né en 1767. Fils d'un marchand de bois, il entre en 1787 au régiment du Limousin et gagne tous ses grades pendant les guerres de Vendée. Il se distingue militairement à Doué et Savenay. A la tête d'une division avec Verger-Dubareau, il remporte bataille sur bataille. Des combats frontaux, pour le moins. Nous sommes alors dans les premières guerres de Vendée, en 1792/93. Une période que j'explore par ailleurs depuis que j'égrène à l'envers mon arbre généalogique, comptant plusieurs ancêtres directs à la 7e et à la 8e génération du côté des rebelles vendéens : l'un, Jean-François Louineau, a pris part aux premières semaines de révolte du printemps 1793. Il a probablement participé fin mars 1793 au siège des Sables d'Olonne sous les ordres du chef vendéen Jean-Baptiste Joly, d'autant qu'il était issu d'une paroisse faisant partie de sa zone de mobilisation. Jean-François Louineau comptait parmi les 61 prisonniers des Sables d'Olonne qui ont fini fin avril 1793 la tête tranchée par la guillotine (elle était cette fois disponible, ce ne fut pas toujours le cas : d'autres furent "finis" à la hâche). Pour la petite histoire, il eut le temps de mettre au monde avant cela plusieurs enfants dont un fils, Jean-François Louineau du même nom, qui servit sous Napoléon entre mars 1708 et mars 1710. Il participa aux guerres d'indépendance d'Espagne et à la campagne d'Allemagne. 

Mais revenons à nos deux généraux. Et avant de venir à leur destin commun, reprenons le cours de la carrière du second cette fois-ci : le général François-Pierre Amey, né en 1768. Son parcours est tout aussi fulgurant. Il partage la même fougue révolutionnaire que son futur camarade de jeu. A la différence de Canuel, homme issu du Tiers Etat, Amey naît et grandit dans le giron de l'Armée. Son père est chirurgien-major. Il sert au régiment suisse de Waldner. Amey est un enfant de troupe. A l'âge de 6 ans, il est déjà au régiment de Waldner. Il entre comme cadet dans un autre régiment suisse en 1783 et est fait sous-lieutenant en 1788. Il a la guerre dans le sang et c'est peut-être déjà les prémices d'une première différence entre les deux hommes : le premier, Canuel, est mû très tôt par une fougue politique, révolutionnaire, là où le second vit, pense "militaire" dans sa chair, avant tout.

Canuel, paradoxalement, ne s'illustre pas dans une campagne militaire à proprement parler mais plutôt, déjà, dans une campagne de répression. Il fait ses premières armes avec le régiment de Châteauvieux qui s'illustre dans les rues de Nancy en contenant la mutinerie du 31 août 1790. Il se passera d'ailleurs deux ans avant qu'il n'intègre finalement, en 1792, la première compagnie de la Légion du Rhin, en tant que capitaine. Il gravit les échelons en Vendée, comme son "comparse". Il est fait adjudant-général et de chef de bataillon en 1793 du côté de La Rochelle puis adjudant-général chef de brigade et, toujours la même année, général de brigade, le 28 novembre 1793. Il est bel et bien en Vendée, cette fois.

Et en Vendée, on a alors besoin d'hommes comme lui. Comme eux.

En 1793, leurs destins se rejoignent en effet. En décembre 1793, Amey est du côté du Mans après avoir participé à la bataille de Fougères, en Bretagne, contre les Vendéens et les Chouans (nous y reviendrons un peu plus bas). Il participe à la prise du Mans face aux insurrectionnels et survit même à une mauvaise chute : il se trouve en effet coincé sous un cheval mort. De nouveau illustré, il prend le commandement de la garnison de Mortagne. La ferveur révolutionnaire est à son comble. Le destin de l'illustre Amey a durablement croisé celui... des colonnes infernales*.

Changement de cap donc. Cela dit, Amey a déjà lui aussi, dans ses cordes, l'expérience de la répression populaire. Il a appris à réprimer le peuple et non plus seulement à gagner des batailles avec des ennemis armes à la main. La répression des civils fait durablement partie de ses champs de compétence. 

Et au printemps 1794, l'heure est aux excès en tous genres. L'union des troupes de ces deux talents fait des étincelles. En défendant les positions, Canuel, sans le savoir, va permettre aux hommes d'Amey de nettoyer en profondeur les campagnes avec une curieuse idée en tête : jeter des femmes et des enfants dans des fours à pain**. Alors dans la région de Montournais et de la paroisse des Epesses, les troupes se livrent à toutes sortes d'exactions. Le 24 mars 1794, des officiers municipaux, Morel et Carpenty, s'en insurgent et écrivent à la Convention nationale. En janvier 1794, l'officier de police Gannet l'accusait déjà de laisser ses soldats tuer des civils en les jetant dans des fours :

« Amey fait allumer des fours et lorsqu'ils sont bien chauffés, il y jette les femmes et les enfants. Nous lui avons fait des représentations ; il nous a répondu que c'était ainsi que la République voulait faire cuire son pain. D'abord on a condamné à ce genre de mort les femmes brigandes et nous n'avons trop rien dit ; mais aujourd'hui les cris de ces misérables ont tant diverti les soldats et Turrreau qu'ils ont voulu continuer ces plaisirs. Les femelles de royalistes manquant, ils s'adressent aux épouses des vrais patriotes. Déjà, à notre connaissance, vingt-trois ont subi cet horrible supplice et elles n'étaient coupables que d'adorer la nation. La veuve Pacaud, dont le mari a été tué à Chatillon par les Brigands lors de la dernière bataille, s'est vue, avec ses quatre petits enfants jetée dans un four. Nous avons voulu interposer notre autorité, les soldats nous ont menacés du même sort. »

 

Aujourd'hui, il demeure de nombreuses zones d'ombre sur cette peu glorieuse page d'histoire. Des Historiens, y compris contemporains, ont mis en doute ces faits. Le massacre de civils vendéens pendant les guerres de Vendée par les armées républicaines n'est certes plus nié. Le viol fréquent des femmes civiles attachées aux calvaires, au bord de la route, non plus. Mais alors pourquoi cette zone d'ombre précisément ?

Et si l'on est un tantinet perfide jusqu'au bout : pourquoi le nom du général Amey apparaît-il toujours sur l'Arc de Triomphe et pas celui du général Canuel ?

C'est véritablement là que les choses se compliquent. Et d'une manière d'autant plus troublante que même l'open-source de Wikipédia, que l'on ne peut assimiler à du discours institutionnel ou officiel en tant que tel, révèle de nombreux trous. La lecture de la fiche du général Amey escamote en effet allégrement la campagne de Fougères de novembre 1793 et se borne à exalter l'incident du cheval mort et la campagne du Mans, le mois suivant. Or problème : en novembre 1793, le général Amey est déjà, avant même les événements facheux des Epesses et de Montournais au printemps suivant, en connivence avec les troupes de Simon Canuel.

Ces deux généraux ont été appelés en renfort par le général Kléber. Fougères est alors tombé aux mains des Vendéens et des Chouans qui ont traqué les tuniques bleues jusqe dans les maisons et l'enceinte du château, dont ils ont pris possession. Ils ont fait arrêter le maire de Fougères et tiennent tête. Les administrateurs de Fougères obtiennent juste à temps de Rennes des secours en argent et en vivres et alertent les armées républicaines. Kléber, ainsi qu'il est aisé de vérifier, charge Amey et Canuel de réoccuper Fougères. La ville est reprise, selon les sources, entre le 17 et le 19 novembre 1793.

Dès leur arrivée et sans avoir reçu d'ordre, les soldats républicains torturent et massacrent tous les blessés et malades que les Vendéens ont laissés derrière eux, y compris les femmes. Selon le témoignage d'une religieuse, la Mère Sainte-Catherine, une trentaine de mourants sont achevés dans l'Hôtel-Dieu Saint-Nicolas. Des tueries pourraient également avoir eu lieu dans d'autres hôpitaux, à Saint-Louis et à la Providence. Simon, commandant temporaire de Mortain, fait état dans une lettre au représentant Garnier de Saintes de la présence d'environ 200 malades à Fougères avant l'arrivée des troupes républicaines. Le calcul est vite fait. Dans une lettre à la commission militaire Brutus Magnier, les administrateurs de la Mayenne vont jusqu'à affirmer que 2 000 personnes ont été égorgées à Fougères par les troupes de Canuel. Le nombre semble exagéré, mais le massacre d'au moins plusieurs dizaines à plusieurs centaines de personnes, dont des femmes et des enfants en nombre ne fait aucun doute.

Les républicains ne s'attardent pas à Fougères et sont rapidement rappelés à Antrain. Ils quittent la ville le 21 novembre 1793. Deux jours auparavant, les administrateurs et la garde nationale de Fougères ont été autorisés par le représentant Pocholle à regagner leur ville. Ils se mettent en route le lendemain et couchent à Saint-Aubin-du-Cormier mais ils reçoivent ensuite l'ordre de retourner à Rennes, qui s'inquiète des nouvelles avancées vendéennes...

Vous me direz : et si la sinistre réputation de Fougères les avait suivis jusqu'aux Epesses ? Et auréolé, en faux, la véritable histoire de cet épisode trouble des guerres vendéennes ?

J'aurais alors envie de répondre : et alors ? Les faits de Fougères sont tétus et dûment éclairés à la lumière de nombreux documents et témoignages. Pourquoi jouer à cache-cache ? Qui a suppriméle chapitre le plus trouble, mais bel et bien attesté, de la vie du général Amey, omission qui apparaît comme un aveu de cachotterie sous le tapis.

Et comme si cela n'avait pas suffi, nos généraux n'ont pas arrêté là leurs répressions. En avril 1796, Simon Canuel dirige la "pacification" d'un mouvement contre-révolutionnaire en Sancerrois. Lors de la reprise de la ville, il commande la colonne de droite, venant de Bourges par Azy. Sa colonne est composée d'un détachement de la Garde Nationale de Sancerre, de la gendarmerie du département du Cher et d'un corps de troupes de ligne. Fin 1797, Canuel, commandant le département du Rhône dans la dix-neuvième division militaire, est démis de ses fonctions pour connivences avec les royalistes et renvoyé aux armées, puis à employer dans une division active. Il en est de même pour son adjudant Perrin, certainement l'adjudant-général Charles Perrein ou Perrin, auparavant à l'armée de Rhin-et-Moselle, accusé de détournements à Rheinfelden (Allemagne) en l'an IV, mis au traitement de réforme puis employé dans la 19e division militaire. C'en est fini pour les honneurs militaires. Canuel  retourne à ses premiers amours : la politique. Il se fait élire député (1815-1816) et écrit ses mémoires (1817).

Amey, lui, n'est pas convaincu de royalisme tardif. Son nom apparaît bel et bien sur l'Arc de Triomphe. Il reçoit aussi les honneurs de sa ville d'origine, dont il devint le premier édile : Sélestat. L'un des blogs les mieux documentés sur la ville de Sélestat fait d'ailleurs la part des choses et n'hésite pas à rappeler qu'il a participé au génocide de Vendée et fut surnommé le "boucher de Vendée". Et de relater l'épisode des Epesses en citant l'officier de police Gannet et les officiers municipaux Morel et Carpenty. Le blog apporte aussi ce témoignage du maire de Fontenay-le-Comte :

"... il avait même fait fusiller des municipalités entières, revêtues de leurs écharpes", Mariteau, maire de Fontenay-le-Comte. 

Et que dire de deux autres dépositions, celles des gendarmes Riqueur et Jauzelon, concernant la manière dont « l’honorable » général Amey fit évacuer les Herbiers :

« Le soir, Hamet [sic, lire Amey] fit ramasser et renfermer dans l’église une quarantaine d’individus, la plupart patriotes, sous prétexte de les faire conduire ensuite en prison. A dix heures, dans la nuit, il les fit conduire derrière le cimetière et les fit hacher à coups de sabre et de baïonnette sans tirer un coup de feu, de crainte qu’on s’aperçut de cette exécution. »

Il faut dire que le général Amey a ensuite rejoint l'expédition de Saint-Domingue et fut nommé à son retour en 1803 membre de la Légion d'Honneur et commandeurt de l'ordre. Il reçut la deuxième division militaire, commandement qu'il conserva jusqu'en 1808. Durant la guerre d'Espagne, il fut détaché du service de l'intérieur et assista au siège de Gérone en novembre 1809. En 1812, Amey fit la campagne de Moscou sous les ordres du maréchal Gouvion-Saint-Cyr. Le 19 novembre, il fut promu au grade de général de division.

Ironie de l'histoire, après avoir fait massacrer tant de Vendéens réputés monarchistes, le baron Amey fut nommé, par un certain Louis XVIII, chevalier de Saint-Louis.

PS : le titre de cette note est une allusion à l'ouvrage écrit par le chanoine Desgranges : "Les crimes masqués du résistantialisme", clin d'œil pour rappeler qu'au nom d'une belle et juste cause des crimes innommables peuvent être commis et qu'il est bon de ne pas les perdre de vue en toute circonstance.

 * Colonnes infernales emmenées par Louis-Marie Turreau, dont le nom figure lui aussi sur l'Arc de Triomphe. Les colonnes infernales sont responsables de la mort de 20 à 50 000 Vendéens, essentiellement des civils. Concernant le génocide vendéen, Turreau aurait interrogé sa hiérarchie pour savoir quel sort réserver aux femmes et aux enfants, sans réponse à sa lettre. Il s'appuya alors sur les textes de la Convention qu'il interpréta à sa manière. Malgré les instructions de Turreau, les généraux interprètent librement les ordres reçus. "Certains officiers n'appliquent pas les ordres de destruction et de tueries systématiques et respectent les ordres d'évacuations des populations jugées républicaines. Moulin fait ainsi évacuer scrupuleusement les habitants jugés patriotes. Haxo constitue huit colonnes, et leur assigne comme objectif la capture de Charette, sans pour autant obéir aux ordres barbares de Turreau : « Nous sommes des soldats pas des bourreaux ! » "En revanche, les troupes commandées par Cordellier, Grignon, Huché et Amey se distinguent par leurs violences et leurs atrocités, au point d'exterminer des populations entières, massacrant indistinctement royalistes et patriotes. Ces troupes se livrent ainsi aux pillages, massacrent la population civile, violant et torturant, tuant femmes et enfants, souvent à l'arme blanche pour ne pas gaspiller la poudre, brûlant des villages entiers, saisissants ou détruisant les récoltes et le bétail. Des femmes enceintes sont écrasées sous des pressoirs, des nouveau-nés sont empalés au bout des baïonnettes. D'après des témoignages de soldats ou d'agents républicains, des femmes et des enfants sont coupés vifs en morceaux ou jetés vivants dans des fours à pain allumés." (source : Wikipédia).

**Concernant le massacre des femmes, il est bon de rappeler que cela n'a pas été que le fait de soldats îvres et barbares, mais que cela a été cautionné en haut lieu par l'encadrement militaire républicain d'une misogynie que ces extraits ci-dessous suffisent à mesurer :

«  Le général en chef nous a promis de les détruire tous, mais il faut se faire une autre idée des rebelles que celle que l'on a eue jusqu'ici ; c'est que tous les habitants qui sont à présent dans la Vendée sont des rebelles tous acharnés ; c'est que les femmes et les filles, les garçons au-dessus de douze ans sont les plus cruels. Ils exercent une cruauté inouïe sur nos volontaires, les uns sont coupés par morceaux et les autres brûlés, et ce sont des femmes qui commettent des atrocités. » Lettre des représentants Francastel, Hentz et Garrau au Comité de salut public, le 20 février 1794.

« La race d'hommes qui habitent la Vendée est mauvaise, elle est composée d'hommes fanatiques qui sont le peuple ou de fédéralistes qui sont les Messieurs. [...] Il faut un grand exemple, il faut apprendre aux malveillants que la vengeance nationale est sévère, et qu'un pays qui a coûté le sang de tant de milliers de patriotes ne doit plus servir d'asile à ceux qui se sont révoltés contre le gouvernement ou qui s'y sont opposés. [...] Jamais les femmes de ce pays ne deviendront raisonnables, ce sont surtout elles qu'il faut expatrier. L'égoïsme, le fanatisme, la rage contre les patriotes sont au comble dans ce pays ; quand ils tiennent un volontaire, ils le coupent en morceaux ou ils le brûlent à un arbre. » Lettre des représentants Francastel, Hentz et Garrau au Comité de salut public, le 26 février 1794.

 

« Le pillage a été porté à son comble. Les militaires, au lieu de songer à ce qu'ils avaient à faire, n'ont pensé qu'à remplir leurs sacs et à voir se perpétuer une guerre aussi avantageuse à leur intérêt [...]. Les délits ne se sont pas bornés au pillage. Le viol et la barbarie la plus outrée se sont représentés dans tous les coins. [...] Les rebelles n'ont pas été les seules victimes de la brutalité des soldats et des officiers. Les filles et les femmes des patriotes même ont été souvent « mises en réquisition » ; c'est le terme. » Joseph Lequinio, rapport au Comité de salut public, 1er avril 1794.

 

Carte_Guerre_de_Vendée_mars_1793
Etat de l'insurrection en mars 1793. 

 

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7 mai 2022

Fulenn (Eurovision 2022) : chañs vat

Chañs vat ha plijus e vo prenañ ho pladenn ! / Bonne chance et au plaisir d'acheter votre album ! Cette chanson n'est pas sans me rappeler un groupe métal suisse, en l'occurrence Eluveitie. Qui avait à son répertoire un air tiré du gaulois dans un registre...
17 novembre 2021

La Mayenne, aussi Bretonne que la Loire Atlantique ?

La Mayenne, aussi Bretonne que la Loire Atlantique ?
Surprenant. En fouinant sur internet, et en particulier sur les publications fort intéressantes de Bernard Sécher, je suis tombé sur l'étude Fine-scale human genetic structure in Western France réalisée par Matilde Karakachoff, statisticienne et épidémiologiste...
18 juin 2021

L'enfer de Huelgoat ? Gare aux hallucinations...

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Huelgoat. Sa forêt ancestrale, lisière occidentale d'un massif qui formait jadis un continuum jusqu'en Brocéliande.

L'une des attractions de cette forêt (qui n'est pas un parc, on s'entend) c'est sa pierre branlante. Plusieurs centaines de tonnes posées en équilibre sur une crête... A tel point qu'il est possible de la bouger légèrement sur son socle ! Il faut pour cela trouver l'exacte position...

Pour avoir testé l'exercice, ça marche : il m'a suffi de copier un adolescent inspiré qui a trouvé comment se positionner, en faisant le dos rond, dans le creux un peu raboté, tout à gauche... La sensation est assez étonnante !

Mais le colosse au pied d'argile revient heureusement à sa position initiale. Personne n'a encore réussi à le faire dévaler l'arpent rocheux...

 

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Une autre curiosité, à l'extrémité de la forêt c'est cette roche en forme de champignon. Là encore, vous pourrez défier l'équilibre précaire de cet imposant mégalithe... Mais en est-ce seulement un ? Car Huelgoat fut une carrière en son temps. Le mystère fait le reste. Les légendes ont colonisé l'espace, à moins que cela soit l'inverse.

 

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Selon les versions, Gargantua aurait demandé l'hospitalité aux habitants de la forêt. Furieux de ne se voir servir qu'une bouillie de blé noir, il aurait, pour se venger, jeté tous les rochers trouvés sur sa route à l'emplacement de l'actuel chaos...

Il y est aussi question de la princesse Ahès. Femme fort volage, elle changeait de compagnon toutes les nuits. Au matin, chaque jour, elle étranglait son amant et faisait conduire son cadavre jusqu'à Huelgoat, où il était jeté dans le Gouffre. Un bon sujet de polar. Ahès, serial killeuse, aurait-elle inspiré Hélène Jégado, la fleur de Tonnerre du Faouët de Jean Teulé (qui n'a rien inventé, ou si peu...) ?

 

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En tout cas, je n'ai trouvé aucun ossement humain au fond du goufre du diable. Selon une autre légende, l'officielle légende, dirons-nous, l'entrée du "trou du diable" serait celle qui mène à l'Enfer (lire aussi ici).

Où il y est aussi question d'un certain penchant pour la boisson, allons donc...

Ce Trou du Diable à Huelgoat, serait l'entrée de la route qui mène à l'Enfer. Ce chemin est large et facile à la marche. Quatre-vingt-dix-neuf auberges sont des arrêts qui doivent durer chacun cent ans. Des « choses douces » et « des choses fortes » sont servies par des servantes de plus en plus belles et accortes à mesure que l'on approche de l'Enfer. Si le voyageur modère son boire et arrive à la dernière auberge sans être ivre, il peut revenir sur ses pas. L'Enfer alors n'a plus de droits sur lui. Mais au cas où il serait trop « chaud de boire », les diables lui font avaler une affreuse mixture de sang de crapaud et de couleuvre. Désormais le diable est son maître (Bernard de Parades).

Huelgoat laisse la part belle à d'autres léegendes, encore, comme le Ménage de la Vierge, en redesendant le versant côté rivière d'Argent.  Les roches du chaos de pierre y sont empilées en suggérant les formes d'ustensiles de cuisine (???), soufflet, chaudron, louche et autre baratte à beurre... J'avais beau avoir un petit creux à l'estomac, j'ai fait choux blanc, côté imagination...

 

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Des cuisines antikéa, des champignons hallucinogènes, des pierres branlantes, des Gargantuas revenchards... et des étylotests initiatiques, diantre...

Mais si si, Huelgoat mérite bien le détour, avant de reprendre la route de l'Enfer...

Sur ce, "ken'o", amis Breizh Angels !

27 octobre 2020

Porte d'Argoat, porte d'Armor...

 

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Edit 2020. Souvenir du tréfonds du blog.

Pas un jour sans que la première photo ne soit partagée.

12 septembre 2020

B U H E Z u r V A L A F E N N

 

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b u h e z   u r   v a l a f e n n* ,

 

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Il me taraude,

 

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avec son fond noir.

 

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 Tandis que l'écriture sur papier blanc continue...

 

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... le noir revient.

 

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Mon gwenn,

 

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Mon du.

 

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Le in, le out.

An diabarz, an diavez.

 

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 Photos (c) BuV.

* L a v i e d' u n p a p i l l o n

 

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