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B u h e z  U r  V a l a f e n n
ille et vilaine
30 novembre 2023

D'une Marche de Bretagne à l'autre...

 

brocéliande 1

 Landes de la forêt de Brocéliande, près de Tréhorenteuc (photo BuV)

Pour avoir longtemps vécu dans ce qui est appelé le pays de l'Oust à Brocéliande (pays de Ploërmel) et avoir beaucoup sillonné les routes de l'Est du Morbihan (Rochefort en Terre, La Gacilly, Questembert jusqu'aux confins du pays de Redon...), j'ai acquis la conviction que les marches entre basse et haute Bretagne historiques sont des terres particulièrement fertiles. La défense de la culture bretonne et gallèse n'y est pas un vain mot. Le foisonnement de la vie associative, culturelle est remarquable et je me suis même demandé, vivant maintenant en basse Bretagne, si les Bretons de cette partie de la région n'avaient pas gardé une conscience plus aïgue de l'intérêt de la préservation de sa culture, tout en s'ouvrant aux autres.

Dans la partie de la basse Bretagne où je vis, la culture bretonne résonne comme une évidence, un acquis. Non pas qu'elle soit négligée et que la richesse de la vie culturelle et patrimoniale soit discutable, mais parce que je n'y retrouve pas ce supplément d'âme de "gardiens" de cette zone de transition entre Bretagne bretonnante et Bretagne gallèse. 

De la frontière du pays gallo aux marches de Betagne

On retrouve un peu cet état d'esprit aux Marches orientales de la haute Bretagne, à la limite de la Normandie, de la Mayenne, du Maine et Loire et de la Vendée... avec une nuance toutefois. La culture bretonne et en particulier bretonnante s'y est diluée de longue date (voire n'a jamais vraiment percé jusque là). Les vestiges historiques témoignent de ce lointain héritage : Machecoul, Clisson, Tiffauges, Ancenis, Châteaubriant, Vitré, Fougères... illustrent ce riche passé de défenseurs des marches de Bretagne. On peut citer également Saint-Aubin du Cormier pour sa célèbre bataille. Le rappel aux racines bretonnes y est souvent visible à ses châteaux et ses lieux de bataille. C'est l'autre marche de la Bretagne, celle qui a pendant longtemps dû verser son sang pour assurer la  la protection des habitants de tout le reste du Duché.

Une Bretagne aux premières loges, en quelque sorte.

J'avais envie, par cette note, de leur rendre hommage. Car sans ces marches de la Bretagne, tout à l'est et au sud, que serait-il advenu de TOUTE la Bretagne ?

Ces marches sont qui plus est tronquées, la Loire-Atlantique (à l'inverse de l'Ille et Vilaine) ayant été administrativement jetée d'un trait de plume dans une autre région. Mais le fait est, on y ressent encore le poids du passé et les lointains descendants des Bretons des Marches ne sauraient oublier que leurs ancêtres ont joué un rôle clé dans la défense de la Bretagne. D'une part la marche protège les territoires situés dans l'actuelle Bretagne et inversement, c'est une zone défensive pour le royaume des Francs. 

L'intégration des marches successives à la Bretagne, à commencer par ce qui est devenue la zone de transition entre haute et basse Bretagne, s'est faite en plusieurs temps. Peu après l'arrivée des premières grandes migrations du Ve siècle, c'est-à-dire dans la première moitié du VIe, les Bretons s'installent déjà dans le Vannetais, qui devient le Broërec (on est alors du temps du roi Waroch). Puis vient le temps de Nominoë, nommé comte de Vannes en 819 par un roi franc, Louis le Pieux en l'occurrence. Pour aller vite, les marches "vannetaises" ne sont déjà plus qu'un souvenir, car le territoire est fortement bretonnisé et la poussée bretonne s'est déplacée bien plus à l'Est, en pays nantais.

Et c'est plutôt sur ces terres orientales que vont se jouer les principales batailles entre Bretons et Francs. 

Trois figures vont émerger dans ces marches du pays nantais : la première s'appelle Lambert, au VIIIe-IXe siècle. Lambert est un Widonide, issu de la noblesse franque, qui règne sur le comté de Vannes puis de Nantes, avant d'être évincé des marches de Bretagne pour avoir soutenu Lothaire dans la guerre civile. La deuxième, c'est celle de Renaud d'Herbauges, à qui Charles le Chauve confie le comté de Nantes. Renaud d'Herbauges est dit Aquitain, mais semble surtout avoir noué des relations étroites avec les Angevins du Maine. Renaud d'Herbauges s'oppose clairement aux Bretons, en particulier à Nominoë, tandis que Lambert II de Nantes, lui, successeur de Lambert Ier et troisième grande figure, choisira de s'allier au chef breton.

C'est toute l'ambivalence des relations entre Bretons et Francs qui s'exprime ici et que l'on retrouve encore aujourd'hui. En ça, cela la distingue fortement des premières marches que j'évoquais en début d'article, particulièrement ancrés dans la culture bretonne. Cette terre de marches orientales est tantôt bretonne, tantôt française. Des Francs de sang luttent contre les Bretons mais prennent aussi partie pour eux.

Renaud d'Herbauges meurt à la bataille de Messac, tandis que Lambert II, le pro-breton, connaît un sort meilleur : il chasse les vikings, se rend maître de la ville de Nantes et prépare déjà, au fond, la victoire des Bretons de Nominoë sur Charles le Chauve en 845 à la bataille de Ballon, à Bains sur Oust. Lambert II le Franc a ainsi joué un rôle clé dans la victoire des Bretons à Ballon, qui scelle l'indépendance de la Bretagne. 

A la mort de Nominoë en campagne, son fils Erispoë lui succède. Celui-ci vient à bout des Francs qui tentent de nouvelles incursions dans les marches de la Bretagne. Charles le Chauve est contraint de renoncer une bonne fois pour toute. Le traité d'Angers concède les insignes de la royauté à Erispoë tandis que les comtés de Rennes, Nantes et du pays de Retz (actuelle rive sud de la Loire de la Loire-Atlantique) sont acquis aux Bretons. La marche de Bretagne, cette zone tampon militarisée, est incorporée au royaume de Bretagne.

Guerre de Bretagne

Places fortes des marches de Bretagne pendant la guerre Guerre de Bretagne de 1465-1491, prélude au rattachement à la France (Wikipédia).

L'autre marche, méconnue, de la Bretagne

Moins connues sont ces autres marches de Bretagne qui se sont constituées comme pour créer, par des alliances, une première zone tampon encore plus à l'est. C'est le cas dans la région de Clisson et de Tiffauges et même bien au-delà jusqu'en pays de Thouars, en Poitou (dans l'actuel département des Deux-Sèvres). Dès le XIIe siècle, des intérêts communs unissent ainsi les Bretons et les comtes de Thouars : les premiers pour constituer ces marches de Bretagne et contenir les menaces, les seconds pour contrer l'influence des Plantagenet et de l'Aquitaine. Ce rapprochement se concrétise essentiellement par le mariage de Guy de Thouars avec Constance de Bretagne, descendante directe des rois bretons (par Alain le Noir son père, issu de la maison de Penthièvre). Constance de Bretagne est par ailleurs Ecossaise par sa mère. Le message n'en est que plus explicite à l'attention des Anglais et des Plantagenet... 

J'ai longtemps méconnu ce chapitre de l'histoire de la Bretagne (et du Poitou) jusqu'à découvrir, au gré de recherches généalogiques, que je descends de Constance de Bretagne et Guy de Thouars par le biais de familles que je croyais poitevines mais qui sont en fait bien bretonnes : à compter de cette alliance et pendant plusieurs siècles, les unions entre la maison de Thouars et la noblesse bretonne seront récurrentes et ce, jusqu'à Louis d'Amboise, marié à Louise-Marie de Rieux, puissante famille bretonne jadis bien implantée dans toute l'actuelle Loire-Atlantique et en Morbihan (paroisse de Rieux, fief de la famille, mais aussi Rochefort [en Terre], Josselin, Nozay, Châteaubriant, Bougon, etc...). Une bonne partie des habitants de ces marches descend des familles de la chevalerie bretonne (familles de Rieux, de Machecoul, de Clisson, etc). Pendant plusieurs siècles, on estime qu'environ 2 000 chevaliers et écuyers bretons ont ainsi essaimé dans ces marches allant du pays de Thouars au nord-ouest de l'actuelle Vendée.

Les transferts ont été légion et en échange de leurs services, nombre de chevaliers et écuyers bretons ont ainsi reçu des terres et des domaines, souvent par alliance. Ils ont fait souche. Les unions entre familles bretonnes et poitevines (ou plus exactement de la maison de Thouars car, bien que Poitevins, ils s'opposaient à ces derniers) ont été significatives. Citons quelques noms tels les de Tinguy, Chasteigner (de part et d'autre de la Loire), Botrel (famille bretonne du pays de Nantes alliée aux Chasteigner), Cathus (famille poitevine descendante du seul chevalier poitevin ayant combattu au combat des Trente aux côtés des Bretons), Regnault de Plouer (famille bretonne alliée des Cathus qui a fait souche à Saint-Benoît sur Mer), de la Musse/de la Muce (famille bretonne du pays de Retz, de Pornic et du Petit-Mars au nord de Nantes), Le Boeuf (famille descendante des Rieux-Rochefort et de Rougé), Durcot (famille poitevine d'ascendance bretonne, notamment par les de la Muce, et possiblement descendante d'un chevalier écossais et ) qui se sont alliés à des familles de la maison de Thouars et ont fait souche en Vendée et en Loire-Atlantique. Etc. Rappelons que les territoires gérés par la maison de Thouars débordaient largement sur la Vendée actuelle. Les alliances étaient fréquentes dans la région de Roche-Servière, Montaigu, Saint-Fulgent, Les Essarts, La Merlatière ou encore Mouchamps.

 

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 Le château de La Trémoïlle à Thouars  (Deux Sèvres Tourisme).

A la chute de la maison de Thouars, cet ensemble va se diluer dans l'actuel Poitou et ces familles avec. Nombre de chevaliers bretons ont livré des combats du côté de la maison de Thouars contre ceux qui furent appelés "les écorcheurs", ces mercenaires bien nommés plus ou moins affranchis du roi de France, en l'occurrence Charles VII (1403-1461), qui, tels Georges de la Trémoïlle* (1384-1446), rançonnèrent et pillèrent le royaume. On peut les comparer à des corsaires mais sur terre. Et des corsaires à échelle variable, faisant aussi œuvre de piraterie : à cheval, ils livraient bataille tantôt pour leur compte personnel tantôt pour le roi de France. Souvent pour les deux à la fois.

L'opposition du vicomte de Thouars Louis d'Amboise (1392-1469) aux écorcheurs - et apparentés - est mal perçue par le roi de France, qui jalouse qui plus est la richesse considérable de la maison de Thouars. Louis d'Amboise est accusé de crime de lèse-majesté. En 1431, à l'issue d'un guet-appens tendu par Georges de la Trémoïlle et ses hommes, il est chargé de fers et jeté dans un cachot du château de Poitiers. Lors de ce guet-appens qui se déroule entre Poitiers et Parthenay, Georges de la Trémouille/Trémoïlle fait couper la tète "aux sires de Lezay et de Vivone" [Antoine de Vivonne et André de Beaumont, seigneur de Lezay alliés du connétable de Richemont] qui accompagnent Louis d'Amboise de Thouars, se contentant sur ordres de réduire ce dernier à une pénible captivité.

Son épouse, la Bretonne Louise-Marie de Rieux dite "La dame de Rieux noble châtelaine de Thouars" (1405-1465) s'arme pour reconquérir ses domaines lâchement envahis. Elle est secondée par les efforts des sires bretons de Beaumanoir et de Rostrenen et recouvre les châtellenies de Marans, de Benon et de l'île de Ré. Face à Charles VII, qui manoeuvre (plus ou moins) à ses fins Georges de la Trémoïlle, la maison de Thouars peut compter en effet sur le soutien du Connétable de Richemont, Arthur III (1395-1458), futur duc de Bretagne - Breton emblématique de Vannes, la sculpture de l'homme à cheval sur la place de l'hôtel de ville, c'est lui. Mais les Bretons prennent peu à peu leurs distances, tiraillés entre les deux camps. Le connétable de Richemont n'a pas toujours été non plus très au clair avec Georges de la Trémoïlle, pas toujours si ennemi que ça, avec qui il s'est un temps associé pour liquider un ennemi commun*... Le Duc Jean V de Montfort finit par adopter une "bienveillante neutralité"...

Louis d'Amboise ne sort des geôles qu'en septembre 1434 "grâce aux prières de la reine Marie d'Anjou"... Comprendre surtout l'affaiblissement de la faveur de Georges de la Trémouille auprès du roi de France. Charles VII commence à changer d'opinion sur les écorcheurs, diablement efficaces mais aux méthodes trop brutales... Il réfléchit à la constitution de ce qui deviendra la première armée régulière de France. Une partie des biens confisqués est rendue à Louis d'Amboise, mais les lettres de rémission (appelons ça une demande de grâce moyennant quelques concessions) lui enlèvent au profit du roi "les chasteaux, terres et chastellenies de Talmond et de Château-Gontier, ainsi que la seigneurie d'Amboise, ensemble les foy, hommages, fiefs, arrière-fiefs, droits, noblesse, prérogatives, profits et émolumens quelconques des dits biens".

Le sire de Thouars, et je cite ici Histoire de Vendée, "ne conserva point rancune des mauvais procédés du roi de France à son égard. Soumis, suppliant, meurtri de blessures judiciaires et royales, il ne se rappelle que le serment de fidélité qu'à sa sortie de prison il a prêté à Charles VII qui, l'année suivante, lui rendit tous ses biens, sauf la seigneurie d'Amboise, et lui permettait même plus tard de réaliser ses projets de mariage de sa fille aînée avec Pierre de Bretagne, dont l'union fut célébrée en 1442".

La chute de la maison de Thouars...

Retournement de situation pour le moins invraisemblable dans l'histoire : en 1445, une réconciliation est actée entre Louis d'Amboise et Georges de la Trémouille. La plus jeune fille du vicomte de Thouars, Marguerite d’Amboise, épouse Louis, le fils aîné de Georges de la Trémouille, son pire ennemi ! C'en est finit de la maison de Thouars et de ses relations privilégiées avec les Bretons. Elle finit par atterrir dans les mains... du roi de France (ou plutôt son successeur Louis XI, Charles VII étant décédé entre temps), après avoir transité par celles de Georges de la Trémouille : "Abreuvé d'injures par les siens, qui lui reprochaient sa vie dissolue et ses débordements et demandaient son interdiction, poursuivi par la haine de Louis XI, Georges de La Trémouille abandonna par testament du 25 janvier 1461, à titre de donation, tous ses biens, se réservant un simple usufruit, une pension de 4,000 livres, et le retour en cas de naissance d'enfants mâles de son second mariage (...). La mort du vicomte de Thouars, Louis d’Amboise, en 24 février 1469, donna à l'œuvre de spoliation son complet dénouement. En vain sa fille aînée, Françoise d’Amboise, la veuve du duc de Bretagne, retirée dans son monastère de Couets, près de Nantes [juste à côté de l'aéroport de Nantes qui, au passage, a été construit sur d'anciennes terres des familles Chasteigner et à priori Botrel, NDLA], en appelle à la justice du Parlement des décisions du grand conseil. Mais ainsi que la féodalité venait expirer aux pieds du trône, de même la justice des Parlements était impuissante contre la volonté souveraine du monarque." (source : Histoire de Vendée).

Louis XI se montra toutefois plus magnanime que son prédécesseur et concéda, peut-être, une forme de spoliation dans l'oeuvre de Charles VII. Il décida finalement de restituer le château à la famille de La Trémoïlle, sa haine visant plus spécifiquement Georges*. La famille conservera finalement la propriété du château jusqu'à la Révolution.

AVIS. Je suis par ailleurs intéressé par toutes infos, témoignages, précisions concernant cette période "bretonne" de la maison de Thouars (familles descendants de chevaliers bretons ou en rapport avec ce conflit opposant Maison de Thouars, Charles VI et Georges de la Trémouïlle (appelés parfois événements de la Praguerie).

Anne de Bretagne

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 Anne de Bretagne et sa fille, Renée de France (Wikipédia).

... et les connexions méconnues d'Anne de Bretagne

Pour clore ce chapitre de l'histoire de ces autres marches méconnues de Bretagne, tout aussi méconnus sont les liens qu'entretenait Anne de Bretagne (1477-1514) avec le bas Poitou, en particulier au château du Parc Soubise, à Mouchamps en bas Poitou, tenu par Jean V de Parthenay et son épouse Michèle de Saubonne (1485-1549). Remariée alors au roi Louis XII, Anne de Bretagne s'est liée d'amitié avec Michelle de Saubonne, dame d'atours érudite et appréciée de la cour du roi de France, amie du grand mathématicien François Viète. Anne de Bretagne confie l'éducation de sa fille Renée de France à Michelle, "elle-même mathématicienne renommée qui recevait à sa cour au Parc Soubise tout ce qui comptait d’intellectuels dans la province". Michelle de Saubonne devient en effet sa gouvernante.

Les alliances entre les Bretons et Français se nouent après le rattachement de la Bretagne sous bien d'autres formes encore. En particulier au Parlement de Bretagne, dont le principe est d'augmenter le nombre de sièges mais tout en réservant 50% de ceux-ci à des non Bretons (dits les non originaires - lire notamment page 410), comprendre des nobles et des intellectuels du royaume de France, essentiellement issus des provinces voisines. Ainsi retrouve-t-on un certain Joachim Descartes conseiller au Parlement de Bretagne à Vannes, qui n'est autre que le père de René Descartes (1596-1650). Le frère aîné de René Descartes, Pierre, siégera lui aussi au Parlement de Bretagne et épousera la Bretonne Marguerite Chohan, dame de Kerleau en Elven. Mais ceci est déjà une autre histoire...

 * Georges de la Trémouille, il faut le dire, ne passait pas pour être un saint. A sa cruauté militaire s'ajoutait aussi sa cruauté - et cupidité - à l'encontre de ses épouses : il maltraita sa première femme Jeanne II d'Auvergne, très riche veuve du duc Jean Ier de Berry, la dépouilla et la ruina, à tel point que Charles VII autorisera Jeanne d'Auvergne à user librement de ses biens et à se mettre à l'abri des mauvais traitements de son mari. Il s'associa avec le connétable Arthur de Richemont pour faire exécuter Pierre II de Giac, avec qui ils étaient fâchés, et dont il visait la fortune de la très riche épouse, Catherine de l'Isle Bouchard. En février 1427, le mari gênant fut enlevé, jugé sommairement, puis jeté vivant dans une rivière, cousu dans un sac de cuir... Méthode à la Nantaise, déjà...

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Cottes de chevalier vers 1400-1440  (photos BuV, château de Calmont d'Olt)

 

Ci-dessous pour le clin d'oeil : deux cartes en parallèle. Celle des Places fortes des marches de Bretagne pendant la guerre Guerre de Bretagne de 1465-1491 citée plus haut, et un Google Maps des toponymes "La Bretonnière" en Bretagne et en Vendée...

 Guerre de Bretagne L'exemple La bretonnière - marches de Bretagne

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10 novembre 2023

Réfugiés irlandais en Bretagne : du mythe à la réalité (méconnue) au 17e siècle

 

Pettie_-_Jacobites,_1745

Il est des ouvrages atemporels, de ceux sur lesquels on tombe par hasard et qui vous interpellent comme l'évidence. Vous le parcourez avec une certaine avidité en vous disant : "C'est ce que je cherchais, depuis des lustres !"

Dans mon cas, cet ouvrage apporte des réponses à une question qui me taraudait depuis longtemps au sujet de la Bretagne. Comment se fait-il que l'on entende régulièrement des Bretons vous dire qu'ils descendent d'Irlandais mais sans jamais obtenir d'eux des précisions tangibles ? Cette ascendance reste vague, comme une sorte de légende. Au fil de mes questionnements et de mes rencontres (je vous rassure, je ne suis pas un fétichiste exclusif de cette question) j'ai obtenu parfois des réponses, mais je restais sur ma faim. Tel "Collin" ou "Colin" descendrait d'Irlande. Un féru d'histoire locale du nom de Brien(d/t ?) de la région de Ploërmel m'a dit un jour descendre d'un O' Brien. Des Roussel (ou Rouxel) du pays vannetais m'ont soutenu descendre d'un Russel de la Verte Erin. Mais personne n'était en mesure de me citer un ancêtre direct.

Alors, mythe ou réalité ?

Le mythe est d'autant plus tenace que les migrations irlandaises en Bretagne reflètent plusieurs réalités, plusieurs temporalités devrais-je dire. Les ouvrages d'histoire évoquent tantôt les grandes migrations du Ve/VIe siècle (avec ses fameux saints évangélisateurs) tantôt la grande famine du XIXe siècle. Et puis, parfois, aussi, les migrations des Jacobites, au XVIIe, sur fond de guerre de religion entre Anglais protestants et Irlandais catholiques. 

Et voilà que cet ouvrage apporte un fourmillement d'éclaircissements sur ce qui aurait bien pu être la plus importante vague de migrations venant d'Irlande en Bretagne : Les Réfugiés Irlandais au 17ème siècle en Bretagne de Patricia Dagier.

Le livre date de 1999 et a été enrichi en 2016. L'auteure a signé quelques remarquables ouvrages comme Les réfugiés irlandais au 17ème siècle en Finistère, Jack Kerouac. Au bout de la route… (en collaboration avec Hervé Quéméner), Les cousins bretons du Manitoba (en collaboration avec Patricia Joncour)... 

Dans Les Réfugiés Irlandais au 17ème siècle en BretagnePatricia Dagier a épluché les registres paroissiaux. Elle y rappelle en préambule : "Si les registres paroissiaux du 17ème et du début du 18ème siècle constituent l’essentiel des sources utilisées pour la réalisation de ce travail, il a été possible de compléter ces données grâce aux archives de la série B du Finistère et à celles contenues dans le fonds constitué par Henri Bourde De La Rogerie, fonds conservé aux archives départementales d’Ille-et-Vilaine sous les côtes 5J70 à 5J75. Certains documents relevés par ce dernier alors qu’il était directeur des archives à Quimper à partir de 1897, avant d’occuper la même fonction à Rennes en 1912, ne sont en effet plus consultables soit parce que les originaux ont disparu soit parce qu’ils sont en trop mauvais état. Quelques données concernant des Irlandais arrivés au cours du 18ème siècle figurent également dans cette étude. Des "Hibernois" du Morbihan, des Côtes-d’Armor, d'Ille-et-Vilaine et autres points de Bretagne y sont également mentionnés."

Voilà pour la méthode de cet ouvrage décidément passionnant.

Le résultat de cette riche compilation, c'est une synthèse très instructive suivie d'un inventaire paroisse par paroisse de la présence irlandaise au XVIIe siècle et au début du XVIIIe (avant les révoltes jacobites puis pendant).

L'apport irlandais a été significatif. L'auteure rapporte les propos d'Henri Bourde de la Rogerie qui estima qu'environ 19 000 Jacobites débarquèrent rien que dans les trois villes de Brest, Morlaix et Landerneau entre le 3 janvier 1691 et le 6 juin 1692*. C'était sans compter le fait que cette émigration irlandaise en Bretagne a débuté bien avant. Patricia Dagier cite ainsi l'assemblée des États de Bretagne, réunie à Tréguier en 1607. Il y est déclaré déjà : "(...) Le pays est chaque jour rempli d'étrangers irlandais, tous mendiants... il y en a tant d'eux maintenant qu'on ne peut plus voir autre chose dans les villes et villages du plat pays... Ils incommodent les pauvres gens, les obligeant à les loger jusqu'à ce qu'ils usent de violence..." (Archives départementales d'Ille-et-Vilaine. C 2647 12.11.1607). Un document rédigé en 1666 et intitulé « Etat et Roolle des Irlandais catholiques habitués de la Province de Bretagne » vaut aussi le détour. Il est conservé aux archives du ministère des Affaires étrangères (Mémoires et documents, Fonds France, Manuscrit 1508, folios 329-336). Il recense les noms d'environ 200 émigrés, certains avec leurs professions, nombre d'enfants et même quelques anonymes.

Au fil des décennies, ces Irlandais (ou Hibernois, donc) ont connu des fortunes diverses, relate Patricia Dagier. Certains sont morts dans la misère, en particulier des enfants en bas âge, d'autres sont repartis en Irlande ou dans d'autres provinces. Mais nombre d'entre-eux ont fait souche et se sont rapidement mélangés aux autochtones. Avec même parfois des réussites fulgurantes car certains émigrés étaient qualifiés, en particulier dans les métiers du Droit (notaires), du commerce. Il y eut aussi des écclésiastes. L'auteure pointe d'ailleurs en filigrane à plusieurs moments de son ouvrage un décalage entre la perception de ces émigrés irlandais par les autorités elles-mêmes (des mendiants qu'il convient de chasser, en substance) et l'accueil beaucoup plus favorable fait par la population. Les exemples d'enfants irlandais adoptés ou parrainés sont légion. Il convient vraiment de s'attarder sur les pages qui, paroisse par paroisse, relatent les heurs et malheurs de ces ancêtres avec leurs noms, prénoms, et parfois informations sur les circonstances de leur arrivée, de leur accueil par la suite...

L'apport irlandais a été en particulier important en Finistère (surtout dans le Léon) mais aussi dans le Morbihan (notamment à l'ouest et dans le nord-ouest du département), les Côtes d'Armor, le nord de l'Ille et Vilaine. On découvre ainsi que certains Le Roux descendraient de Rourke. Que les Cléry, Dillon, Angelin, Séchan, Quéran, Meller, Coattelan ou Connor sont aussi à rapprocher d'ancêtres irlandais, souvent Jacobites. Et que, plus étonnant, il en serait de même de certains Le Borgne et Le Born, à rapprocher de Bourne/Bourn.

Le lien pour parcourir cet ouvrage en ligne est ici. Mais n'hésitez pas aussi à l'acquérir chez votre libraire préféré, il n'est jamais trop tard pour bien faire, et bien lire !

* Cette vague d'Irlandais catholiques en France fait écho au mouvement inverse. Moins d'une décennie plus tôt en France, à la suite de la révocation de l'Edit de Nantes, des dizaines voire centaines de milliers de protestants (les fameux Huguenots) ont fui la France (quand ils n'ont pas accepté d'abjurer de force pendant les années 1681-1685) pour l'Angleterre, Jersey, la Hollande, le Canada, l'Afrique du Sud, etc. 
17 novembre 2021

La Mayenne, aussi Bretonne que la Loire Atlantique ?

La Mayenne, aussi Bretonne que la Loire Atlantique ?
Surprenant. En fouinant sur internet, et en particulier sur les publications fort intéressantes de Bernard Sécher, je suis tombé sur l'étude Fine-scale human genetic structure in Western France réalisée par Matilde Karakachoff, statisticienne et épidémiologiste...
27 octobre 2020

Un automne en Brocéliande...

 

brocéliande 1

Crète du Val sans Retour, forêt de Brocéliande, 25 octobre 2020, à la tombée du jour.

Le Val sans Retour, où la fée Morgane séquestrait les amants qui ont « faussé » leur amour... Demi soeur du roi Arthur, c'est une figure controversée des légendes arthuriennes, tantôt célébrée pour ses pouvoirs magiques, tantôt décrite comme une personne maléfique, la plus belle et redoutable des neuf enchanteresses qui accueillent Arthur à Avalon après la bataille de Camlann. C'est elle aussi qui essaie de briser l'amour de Lancelot et de la reine Guenièvre et transforme les deux amants en pierre à cet endroit.

brocéliande 4

A quelques pas de là, se trouve le fauteuil de Merlin où il aimait à contempler la tombée du jour... comme sur ces photos. Brocéliande, c'est indiscutablement ce pont entre les deux rives de la grande et petite Bretagne. Qui dit Merlin dit en effet cycles arthuriens. On laissera ici le soin à chacun de se replonger dans l'immense vivier d'oeuvres littéraires et cinématographiques célébrant le roi Arthur Pendragon, Lancelot, la Dame du Lac - la fée Viviane -, Merlin l'Enchanteur donc, ou encore les Chevaliers de la Table ronde, sans oublier l'effroyable fée Morgane, évoquée plus haut, ou la fée Viviane, que l'on a parfos tendance à confondre avec Morgane. Après la mort d'Ygraine, la mère de Morgane (Ygraine est l'un des personnages fondateurs, car c'est par la magie de Merlin que le roi Uther Pendragon obtint les faveurs d'Ygraine pour s'unir à elle et donner naissance au roi Arthur - Ygraine eut par ailleurs trois filles de Gorlois de Tintagel, Elaine, Morgause et Morgane). Viviane prit soin de cette dernière, faisant d'elle une magicienne, tandis que Merlin s'occupait de l'éducation de son demi-frère, le futur roi Arthur (selon d'autres textes, Morgane ne serait pas la demi-sœur d'Arthur mais sa sœur et n'aurait pas été élevée par Viviane mais aurait appris, elle aussi, sa magie de Merlin).

Qui dit cycle arthurien dit, à quelques encablures de là, château de Comper. A Concoret, ce château, cerné de douves et de pans de forteresse tenant encore debout, entretient le mythe des légendes arthuriennes, à défaut d'être entretenu au cordeau... On se plaira ici à redécouvrir les cycles arthuriens, hérités de la "Matière de Bretagne", cette si abondante source de récits d'origine celtique insulaire. Le château de Comper suit volontiers les traces de l'écrivain Geoffroy de Monmouth, auteur de l'Histoire des rois de Bretagne, vers 1135...

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Comme tant d'auteurs médiévaux, anglais, gallois ou français, Geoffroy de Monmouth a popularisé le genre, il a rappelé combien les liens étaient puissants entre les deux rives, entre en particulier la Bretagne et le pays de Galles. Le château de Comper est d'ailleurs comme marqué au fer rouge du dragon gallois, emblème national s'il en est.

Une allusion, aussi, au sieur Pendragon...

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Et comme dans une tentative de boucler la boucle ici, on appréciera à quel point le château de Comper célèbre lui aussi la Dame du Lac d'une jolie manière...

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 Photos (c) Buhez ur Valafenn 2020

PS : et comme la journée fut fabuleuse et enchanteresse, c'est en tombant par hasard - ou par magie - sur le meilleur des guides de circonstance, auteur de nombreux ouvrages sur Brocéliande, J. Ealet, que je fus accompagné pendant cette visite guidée impromptue.

Une figure locale et un ancien collègue de travail de sucroît. Plus de quinze ans que je ne l'avais pas revu...

L'occasion de lui dire aussi que travailler avec lui fut un grand honneur. Mes meilleures années professionnelles, indiscutablement.

25 octobre 2019

Vous en prendrez encore un peu ?

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Le tribunal administratif de Rennes a annulé l’arrêté municipal de Langouët (Ille-et-Vilaine) interdisant l’usage de pesticides à moins de 150 mètres des habitations, estimant qu’un tel arrêté ne relevait pas de la compétence d’un maire, a-t-on appris...
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11 mai 2017

Les bioplastiques, c'est pour demain

Les bioplastiques, c'est pour demain
Alors qu’une étude italo-britannique publiée fin avril a mis en évidence les propriétés dégradantes d’un ver sur le plastique, posant la question des applications industrielles, le programme breton et mayennais Bluecopha avance déjà depuis plusieurs années...
8 décembre 2013

A l'ouest, moins de nouveau qu'à l'est de la Bretagne

A l'ouest, moins de nouveau qu'à l'est de la Bretagne
La couverture du mouvement des Bonnets rouges donne parfois une image faussée de la Bretagne dans les médias. Celle d'une région jusqu'alors à l'abri de la crise et aujourd'hui en plein décrochage. L'image d'épinal d'une région repliée sur elle-même rejaillit....
4 novembre 2013

Bonnets rouges : la nouvelle guerre de Hollande ?

Bonnets rouges : la nouvelle guerre de Hollande ?
Ironique histoire... La manifestation des Bonnets rouges de Quimper préfigure-t-elle de la nouvelle guerre de Hollande ? La révolte du papier timbré du XVIe siècle, à laquelle fait référence l'adoption du bonnet rouge par les manifestants anti-écotaxe...
12 octobre 2013

Fief des Youtubers du Grenier... et d'au-delà

Deux millions de fans sur Youtube, des vidéos décalées voire très décalées, des tests de jeux désopilants... Les Joueurs du Grenier sont devenus l'une des références sur le net en matière de tests. Basés à Fougères en Ille et Vilaine depuis quatre ans,...
11 octobre 2013

L'antiparisianisme, vrai ou faux problème ?

L'antiparisianisme, vrai ou faux problème ?
Il fut longtemps l'ennemi désigné, le bourreau de la culture bretonne, incarnation de l'Etat centralisé jacobin. Il a volé les Bretons de leur pays, entretenu ce qui fut l'un des Etats les plus prospères d'Europe (et à la plus longue durée de vie - voir...
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