PENICHE ARMOR, MONTREUIL SUR ILLE

Voilà ce qui arrive à trop tourner la tête ! A force de voir passer les élégantes sous ses fenêtres, l'éclusier a fini par craquer. En 2003, c'en est trop. Il jette son dévolu sur une dragueuse du canal de l'Ille et Rance. Pseudo : Armor 1912. La belle automotrice était prête à rendre son dernier soupir. Séduit par cet ancien chaland de 26,50 mètres de long, Philippe Hubert consacre cinq ans de sa vie à transformer la péniche en luxueux appartement de 80 mètres carrés. Le résultat est idyllique. L'Armor 1912 est une pièce unique, la seule péniche-gîte en Bretagne. Elle mouille à l'écluse de l'Ille, près du bourg de Montreuil, à mi chemin entre Rennes et Saint-Malo.

Sa vingtaine de hublots, qui provient d'un cargo japonais déconstruit en Inde, donne l'impression de monter à bord d'un sous-marin de luxe à fleur d'eau. En plus spacieux. Car de l'espace, il n'en manque pas : autour de la grande pièce de vie toute en longueur, une cambuse, un bureau, un coin détente, deux cabines (lits doubles, baignoire et douche à votre convenance) et même une buanderie et... une cheminée ! Le parquet en bois exotique, avec sa rose des vents en wengé et en érable, s'allie à merveille avec la déco pont de bateau, imitation acier riveté en prime. " Pour éviter les ponts thermiques, j'ai opté pour un effet trompe-l'œil. C'est du bois et cela a nécessité la pose de 10 000 clous de tapissier ", concède Philippe Hubert qui avoue, à l'époque, quelques moments de solitude : " J'ai dû tout apprendre sur le tas de la chaudronnerie à la menuiserie. " Réparateur de photocopieurs dans une autre vie, l'éclusier a eu tout le loisirs de réinvestir son sens de la méthode... Avec son épouse, s'en est suivi un remarquable travail de reconstitution, de recherche d'archives, de chinage et de cogitations sur la décoration. Exotique, l'Armor 1912 l'est jusqu'au mobilier en jatoba.

Du carnet de transport au carnet d'état civil

Toute aussi étonnante s'avère l'histoire du chaland. Elisabeth et Philippe Hubert ont pu recoller les morceaux : " On a retrouvé des carnets de transport. " La péniche a commencé sa vie dans l'import de charbon, jusqu'en 1930. Elle acheminait du charbon importé des Iles britanniques de Saint-Malo à Rennes pour le compte de la Compagnie du gaz ", avant d'être rachetée par un patron marinier. S'en suit une longue période de transport de marchandises tous azimuts avec des incursions depuis Saint-Nazaire jusqu'à Angers : pommes, cacahouètes, troncs d'arbres, puis, pendant la seconde guerre mondiale, de l'engrais, du vin et... des manches à balai.

Les Trente glorieuses sont en grande partie dévouées au transport de matériaux de construction et de sable, avant sa reconversion dans le dragage sur le canal de l'Ille et Rance, à la fin de sa vie de labeur. La transformation en gîte marque-t-elle une rupture dans son histoire ? Pas totalement quand on pense que deux familles de patrons-mariniers ont vécu dans la cabine de 15 mètres carrés... Du carnet de transport au carnet d'état civil, plusieurs de leurs enfants sont même nés à bord.

i : Péniche Armor, écluse d'Ille, 35440 Montreuil-sur-Ille, internet : armor1912.fr

& : Le guide de la Bretagne insolite & relax, extrait

( : Gégé