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B u h e z  U r  V a l a f e n n
28 avril 2017

Et voilà comment j'ai pris un coup de vieux...

itw jeunes Bretons

 

Est-ce une (si) bonne idée de faire un microtrottoir sur une plage bretonne avec des questions d'actu... ? 

Question :

-Comment percevez-vous le brexit, vous, la jeune génération bretonne. Pensez-vous que le risque soit transposable en France ? Et que pensez-vous du risque de sécession de l'Ecosse ?

Réponse plus ou moins collégiale :

-Comment on le perçoit ? Ben... On n'est pas dans leur tête, à nos amis anglas !

-C'est déjà assez compliqué comme ça d'être dans la mienne. Je ne me vois pas devenir sondeuse plus tard... [rires - ça commence bien]

-Fallait interroger ma grand-mère : deux fois qu'elle a été sondée et qu'elle a raconté n'importe quoi juste pour rigoler !

[Puis, le débat a passé la seconde...]

-Le risque ? L'exemple de l'Écosse ? Moi, je pense que les Bretons sont attachés à leur territoire comme aucune autre région en France. Mais le sentiment nationaliste demeure ultra minoritaire. Moi, je crois qu'un Breton vous dira qu'il se sent au moins autant Breton que Français mais se montrera très légitimiste. Il n'y a pas ici, comme en Écosse, de véritable relais politique à un sentiment nationaliste, qui reste diffus.

-Oui. Paris nous fait de l'ombre mais Paris et la Bretagne, c'est aussi une histoire commune, une longue tradition d'échanges. Je pense aux Bretons de Paris, aux cercles de dirigeants... D'ailleurs, les anciennes générations, issues de la Résistance, sont toujours restées très proches des sphères du pouvoir nationales... N'oublions pas que c'est De Gaulle qui a accédé aux demandes du Celib...

-Pas touche à nos vieux, hein. On ne peut pas leur enlever ça ! 

-On aurait pas nos quatre voies gratuites...

-Ni la fac à Brest. Je veux dire... On l'aurait eu... mais des décennies plus tard...

-... et du coup, on aurait peut-être encore des bâtiments pourris. Alors qu'elle a été complètement refaite, au bon timing pour nous... Un peu comme moi ! Ha, ha, ha.

-Sérieux ? T'as été refaite, toi ?

-Meuh non, suis 100 % naturelle !

-Ahh ouais...

-Bon, vous êtes chiants, les mecs. Soyez sérieux ! 

-Oui, soyons sérieux. On va recadrer le débat si vous voulez bien. On va parler P.I.B !!!

-Wouah, le PIB ? Là, sur la plage ?

-Oui. Le PIB de la Bretagne ne pèse aujourd'hui plus que 88 % du PIB de la moyenne européenne, c'est 7 points de moins qu'il y a dix ans alors qu'entre temps, en plus, l'Europe s'est élargie à l'Est... Pendant ce temps, l'Ile de France a maintenu son rang et la Bretagne a même perdu ces dernières années son statut de région au plus faible taux de chômage de France. Qu'en pensez-vous ?

-Ha, ha ! Excellente question ! Moi, je crois que l'intelligentia bretonne reste inféodée à l'Etat central, et qu'elle est encore dans le mythe de... comment dire... Qu'elle est persuadée d'avoir droit à son petit retour sur investissement légitimiste. Mais elle se fait balader. Grave.

-Ça ne durera qu'un temps. Cela sera moins vrai avec les jeunes générations qui comptent bien vivre et penser le développement du territoire localement. Moi, je crois aux vertus de la décentralisation en Bretagne. Je ne me réveille pas chaque matin en y pensant, je ne dis pas ça, mais bon sang... C'est super important. T'as vu cette plage ? Franchement, tu te vois la quitter pour aller t'enfermer dans une boîte à savon sous terre ?

-A Paris sous les bombes...

-Je ne dis pas ça. Tu vois, je me sens solidaire avec leurs galères. Non, ce n'est pas la bonne formule. Je ne me dis pas : "Pfff, chacun sa merde. Paris sous les bombes, non, très peu pour moi... J'ai des potes là-bas. Ça peut arriver à tout le monde, ici aussi. Y'a des dingues partout [propos collectés avant l'affaire Troadec, NDLA...]. Je veux dire, on ne se projette pas forcément en costard à Paname, tu vois. Je suis peut-être un gosse d'élitiste breton, mais tu vois, l'éducation, la culture bretonne, la langue... J'ai pas envie de jeter l'eau du bain de notre background... Pense au travail de reconquête culturelle et linguistique. C'est un truc qui te prend là. 

-Tu vois, quand tu parles des jeunes... Difficile de parler au nom de tous, mais y'en a plein qui se disent : moi, je me sens plutôt dans un état d'esprit :: "reconquête dans un gant de velours", tu vois. Reconquête culturelle, oui, mais sans donner crédit aux régionalistes.

-Il faut privilégier l'éducation, redonner les conditions de la réussite, et sans clash.

-Ouais. Enfin, moi, je pense que cette approche a ses limites et peut s'avérer un poil timide, par rapport aux Écossais ou aux Catalans.

-T'es comme ça, toi ? 

-Le Brexit questionne donc bien la jeunesse....

-Bien entendu. Cela doit nous interroger sur la place de la Bretagne dans le concert européen. Bien sûr que les exemples écossais et catalans interrogent. Cela pose question sur la volonté de prendre plus conscience, de manière moins complexée, de nos capacités, de notre potentiel.

-Moi, je pense que les Bretons ont une génération de retard sur les Écossais et même sur les Catalans.

-C'est à dire ?

-Je pense que rien ne changera tant que les générations du renouveau n'accèderont pas aux hautes fonctions, régionales ou ailleurs. Cette génération ne posera pas forcément le même regard sur Paris.

-Vous voulez dire : elle cherchera à court-circuiter Paris ?

-Court-circuiter ? Non, c'est un gros mot. Je pense que poser la question en ce sens, c'est justement faire le jeu du centralisme à la papa ! 

-...

Et voilà.

Voilà comment j'ai pris un coup de vieux. Au détour d'une question.

L'idée de dire "court-circuiter Paris" pour parler de décentralisation ne leur vient pas à l'esprit. Ils ne sont pas dans l'opposition, dans le clivage. Remballe ton centralisme, papa...

On en apprend tous les jours...

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Commentaires
A
Tu me rassurerais presque là. Je me suis senti anachronique. Ne pas être clivant, c'est être au final un poil passif, rebelle sur la forme, docile sur le fond.
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C
Même s'il pouvait y avoir dans d'autres régions des éléments d'identité, le récent bouleversement des régions n'invite guère au renforcement de cette identité, du moins à l'échelle régionale (de manière plus locale, sans doute encore ?). Néanmoins, le centralisme parisien, qui s'est notoirement renforcé depuis plusieurs années à contre-courant de l'histoire, agace un peu partout.<br /> <br /> Mais alors que fera donc bien cette génération si elle ne court-circuite pas Paris ? Elle pense que le pouvoir parisien laissera faire ? On peut en rêver, mais une vraie mise en réseau plus ou moins vaguement fédérative ou selon un modèle restant à inventer, je n'y crois pas du tout pour l'insant. Pourtant, j'y serais favorable, mais on n'en prend pas le chemin dans le cadre du paysage politique et politicien actuel. Enfin, j'espère que cela changera, il ne faut jamais désespérer.
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