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B u h e z  U r  V a l a f e n n
4 octobre 2011

UN EURO LOURD DE CONSEQUENCES

« Si les déficits publics étaient créateurs d’emploi, l’Europe serait une immense zone de plein emploi », a coutume de rappeler le Premier ministre luxembourgeois. En rapportant ce bon mot, publié dans un article du 14 octobre 1996, Les Echos ne donnent-ils pas dans l’art de distiller des arguments de pensée sans prendre officiellement position ? Si l’on devait se contenter des articles de presse explicitant franchement les conséquences à attendre de l’euro, ce ne sont plus 150 articles mais une douzaine tout au plus que l’on pourrait retenir. Difficile d’évaluer les incidences d’une monnaie dont on ne connaît pas encore précisément les contours, dont on ne sait pas avec certitude si elle va voir le jour. Se perdre en conjecture est un jeu dangereux. Parmi la douzaine d’articles consacrés plus spécifiquement à cette question d’anticipation, deux des Echos méritent d’être retenus. Ils relayent en rubrique Idées une question, fondamentale : « Une monnaie, cela sert à quoi » de François de Brenard, et « Maastricht II : blocages avant dénouement » du journaliste Jean-Michel Lamy. De son côté, La Tribune s’est attachée dans son édition du 18 février 1997 à aborder l’impact de l’euro sur les banques françaises par le biais du témoignage d’un conseiller en stratégie et marketing bancaire. Au demeurant, elles seront très positives, selon lui, l’euro offrant une formidable opportunité, pour les banques françaises, de mettre à plat leurs systèmes de tarification, jugés peu performants, et permettant aussi de mettre fin à certaines distorsions de la concurrence dues aux monopoles bancaires. Il estime également que l’euro « offre l’occasion unique de dresser un examen critique de toutes les gammes de produits ».

Le 16 avril 1997, un autre article de La Tribune pose également un regard intéressant sur l’après lancement de l’euro en s’interrogeant sur les disparités du coût du travail en Europe et juge que « la hausse des charges sociales fait plutôt baisser les salaires » en Europe. Une façon de sous-entendre que la mise en place de l’euro va être néfaste pour les salariés, en tirant leur niveau de rémunération vers le bas ? L’euro obligera par ailleurs, par définition, les gouvernements à réduire leurs déficits : or, même en période de crise économique, il est bien plus aisé d’augmenter les recettes de l’Etat que de les comprimer. Ce double effet de ciseau risque de peser lourdement sur le niveau de vie et le pouvoir d’achat des populations. La Tribune propose insidieusement une deuxième interprétation sur la mise en place de l’euro. En affirmant, chiffres à l’appui, que le Royaume-Uni a, contrairement à certaines idées reçues, créé moins d’emplois que la moyenne européenne depuis dix ans (5), le quotidien économique conclut que « la pertinence d’une stratégie européenne fondée sur le dumping social reste très douteuse et implique à terme une baisse de productivité, une déqualification et une démotivation des salariés. Ou à tout le moins une situation à la britannique. » On le voit, les effets prévisibles de l’euro sur l’économie, qu’ils soient bons ou mauvais, apparaissent en filigrane.

L’Union européenne est née sur une « ambiguïté » de la position française

Le Figaro économie est probablement le titre qui fait le plus la part belle à la prospective (huit articles sur 13) et s’interroge régulièrement sur les conséquences pratiques et concrètes de l’euro. On retiendra plusieurs articles d’envergure en page Cheminement du futur, dont celui de Jean-Jacques Rosa (13 octobre 1996) qui donne le ton : « A mesure que s’approche l’échéance du printemps 1998, les vraies difficultés apparaissent et provoquent un regain de tensions entre les deux partenaires principaux, l’Allemagne et la France. L’objet du débat est tout simplement ce que personne n’a défini jusqu’à présent : que sera l’euro », met en garde le journal. Et de rappeler que l’Union européenne est née sur une « ambiguïté » de la position française : « Il s’agissait de faire la monnaie unique d’une part pour emprunter sa force au mark, accélérer la désinflation en France, permettre à nos élites gouvernementales et financières de jouer enfin sur la scène internationale à la hauteur de leurs ambitions face au dollar (…) et d’autre part d’assurer que la gestion monétaire européenne (soit) aussi adaptée aux besoins de l’économie réelle, de la croissance et de l’emploi (…) En un mot, mitiger la rudesse de la politique monétaire allemande par la facilité de gestion des pays de l’Europe du sud, ce qui permettrait à la France de jouer le rôle d’arbitre entre les deux et donc de décideur ultime », poursuit Jean-Jacques Rosa.

Mais c’est sans compter que pour Bonn l’euro doit être le mark sous un autre nom avec des conditions d’accès rigides  » dont tous les économistes reconnaissent qu’elles ne correspondent à aucune condition nécessaire ou raisonnable ». Autrement dit, pour le Figaro, les gouvernements français « se lient eux-mêmes les mains en sacrifiant la croissance nationale et l’emploi sur l’autel de la crédibilité ». Et de prédire bien des dangers, si l’on s’achemine toujours vers une indépendance totale de la Banque centrale européenne (qui prône invariablement une stabilité des prix européens en dessous des 2%) : « Peut-on imaginer ce qu’auraient été les conjonctures européennes lors des deux flambées des prix du pétrole si les gouvernements avaient décidé dans les années 70 et 80 de maintenir les taux d’inflation, coûte que coûte, en dessous des 2% ? On peut sérieusement penser qu’il y aurait eu un effondrement économique bien pire que celui des années 30 et des révolutions sociales violentes », conclut le journal qui n’hésitera pas, par ailleurs, à évaluer les conséquences négatives de Maastricht sur l’économie  » dues aux restrictions budgétaires qui auraient dû être compensées par un assouplissement des politiques monétaires » (11 décembre 1996).

Un euro faible ?

Si la perspective d’une indépendance totale de la Banque centrale européenne n’enchante pas Le Figaro économie, celui-ci estime néanmoins qu’une politique de change appropriée et efficace est d’une grande importance pour la croissance et l’emploi. Plus : « L’impact du marché unique est déjà perceptible », renchérit le cahier saumon dans un article en date du 11 décembre 1996. Déréglementation, privatisation, concurrence et effacement des frontières ont déjà fortement profité aux consommateurs. Bref, « l’euro devient un enjeu commercial pour les entreprises » (12 décembre 1997), qui stimulera l’économie.

Plus étonnant, le Figaro économie se risque à pronostiquer un euro faible, alors que ses confrères évitent les conjectures hâtives. Le 13 février, le Figaro titre : « Que les exportateurs se rassurent, l’euro sera faible ». Le journal estime que l’euro n’a aucune raison de s’apprécier face au dollar » au regard de son niveau de chômage, de la faiblesse de sa croissance, mais aussi du niveau des investissements… Si le Figaro détonne par son argumentation et une ligne de pensée plus osée sur un sujet aussi complexe qui présente à la fois de nombreux avantages et inconvénients. Toute la question étant de savoir si les effets positifs l’emporteront sur les effets négatifs…

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