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B u h e z  U r  V a l a f e n n
19 juin 2006

French strike à Hemel-Hampstead

bowling

Dans la série "Vive les voyages scolaires à l'étranger", continuons aujourd'hui avec l'épisode, quelque peu cuisant, de ma ratonnade en Perfide Albion. Un événement un peu fâcheux, mais qui a peut-être lui aussi modelé ma vision du monde de merde.
Les faits remontent à octobre 1989, dans la banlieue nord de Londres, à Hemel-Hampstead plus exactement. Cette ville est aujourd'hui célèbre pour d'autres faits : c'est là qu'a explosé cet automne un gigantesque dépôt de carburant, provoquant un énorme nuage de pollution qui a gentillement sillonné au-dessus de l'Angleterre, de la France et de l'Espagne dans la quasi indifférence générale.
Mais là n'est pas le propos de cette note, bassement nombriliste.
Mon séjour en Angleterre fut en tout point placé sous le signe de l'inhospitalité. A commencer par la météorologie. Cataclysmique. Des trombes d'eau à notre arrivée et, d'entrée de jeu, une traversée à pied des faubourgs d'Hemel-Hampstead, ma famille d'accueil ne possédant pas de voiture.
Famille d'accueil est en réalité quelque peu présomptueux. Nous pourrions plutôt parler de famille de "combien tu me donnes pour que j'héberge ton gosse ?". Un système d'allocation pour les familles hébergeant des scolaires étrangers existait à cette époque (j'ignore si l'initiative a survécu). Avec un camarade de classe, nous fûmes "accueillis" dans une ancienne maison ouvrière anglaise crasseuse dont la seule vision de la salle de bain aurait suffi à dégoûter le plus affamé des cafards. La mère de famille élevait seule trois enfants. Les discussions étaient quasi inexistantes. La nourriture infame et déclinée sous un modèle inoxydable : sandwiches jambon+confiture, sandwiches fromage+gelée de groseille, etc.
Bon, je n'épiloguerais pas là-dessus. Il faut se rappeler du contexte. Le Royaume-Uni touchait le fond et les classes populaires subissaient de plein fouet la politique de l'inégalable Margaret. Ambiance film social anglais des années 80, donc. Les Brits, au demeurant, se sont bien rattrapés et peuvent désormais se gausser du "French Decline" en long en large et en travers. C'est du reste l'un de leur sujet de conversation préféré.
Mais le fin du fin demeure incontestablement la sortie à la piscine municipale (privatisée depuis ?) d'Hemel-Hampstead. Nous ignorions, en entrant dans ce lieu en apparence bien sympathique, que nous mettions en réalité là les pieds dans un véritable coupe-gorge fréquenté par la fine hooliganerie britannique... La piscine devait être à l'évidence un centre de formation pour apprenti, où l'élève pouvait s'échauffer avant d'aller au stade. Les vestiaires faisaient de surcroît office de buvette. Mais je ne vous parle pas de la bonne vieille buvette rurale à la française. Les jeunes Brits carburaient à la grosse bière. Sûrement un simili de 8-6.
Petit groupe de quatre jeunes lycéens français (j'étais en 2nde), nous primes la fâcheuse initiative d'utiliser les dits vestiaires pour nous changer. Si tout se passa bien à l'entrée, malgré notre inquiétude déjà bien palpable, c'est en y retournant après le bain que les choses se corsèrent : c'est qu'oubliant notre prime surprise à l'arrivée, ragaillardis, presque mis en confiance, nous osâmes parler français tout fort !!!

MY GOD !

" WHAT ? WHO'S SPEAKING FRENCH ?!!! WHERE'RE THOSE FUCKIN' FRENCHES ?!!!! "

Le sang d'un groupe de jeunes anglais ne fit qu'un tour. Sur ces bonnes paroles - que nous comprimes aisément, preuve que les séjours linguistiques sont formateurs - la porte démontibulée du vestiaire s'ouvrit. En face de nous, nous identifiâmes rapidement le leader. Un blond costaud d'environ 20-22 ans, stéréotype physique du jeune hooligan, entouré de plusieurs jeunes naïades et de copains au look tout aussi stéréotypé.
Contre toute attente, notre jeune ami s'attacha alors à parfaire son niveau de bowling en nous jetant des cannettes de bière (pas toutes vides d'ailleurs) dans les jambes. Chaque strike fut accompagné d'un vibrant " Fuck ! " ou bien " Fuck off ! " ou bien encore " Fuck off to France ! ". Enchanté. Le message était assez clair.
Nous dûmes à ce stade notre salut à ce qui devait être la petite amie du caïd, qui s'efforçait à l'évidence de le raisonner. Rude mission qui, rétrospectivement, eut mérité une plus juste récompense. Cela devait grandement s'apparenter à la résolution d'une équation à quatre inconnues un jour de migraine ophtalmique...
Mais preuve en est, le message passa ! A notre grande surprise, notre camarade de jeu ne termina pas sa partie de bowling et s'éloigna avec tout son petit groupe le suivant derrière. At least.

Hélas, une nouvelle fois, nous manquâmes de pragmatisme. Chose typiquement britannique, du reste, dont nous devons être à notre corps défendant génétiquement dépourvus. Sortis de la piscine, au lieu de nous enfuir aussi loin que nos jambes pouvaient nous le permettre (d'autant que les trombes d'eau avaient cessé), nous attendîmes bêtement l'arrivée de nos familles d'accueil devant la piscine ! Et comme nous avions fini de nous habiller à la hâte, nous sortîmes AVANT nos compagnons de virée. Quand ces derniers arrivèrent à leur tour, le caïd ne put réfreiner ses pulsions, en dépit des promesses faites à sa charmante compagne...
Et comme ce n'était décidément pas notre jour, nous ne fûmes plus que deux sur les quatre à nous partager les baffes et le coup de boule (les familles des deux autres camarades de classe avaient des voitures, eux). Je dis LE coup de boule. Mais un coup de boule magistral. De la gande classe. Qui demanda certainement des années d'entraînement. Mais comme on ne peut pas être malchanceux sur toute la ligne, c'est à mon copain d'infortune qu'il fut octroyé généreusement !
A choisir, je me contentai très volontiers des baffes et ne demandai pas mon reste, sous le regard frileux des familles d'accueil enfin arrivées sur place. Poliment, pour ne pas déranger, elles attendèrent la fin de l'exercice et que tout le monde soit parti pour nous susurrer un "Sorry" un peu déplacé. Je manquai de correction et oubliai de leur répondre : " You're welcome ".

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Rétrospectivement, je pense que ce malheureux incident n'est pas sans expliquer non plus ma sensibilité au droit de parler librement sa langue, au racisme linguistique et au racisme, quel qu'il soit. 

hooligans

P.S. : prochaine étape de cette série : Les cercueils font leurs portes ouvertes à Salt-Lake-City.

 

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Commentaires
R
Merci, c'est vraiment bien écrit !<br /> Réussir à faire autant sur un sujet qui peut se résumer à "Comment je me suis fait casser la gueule en deux temps-trois mouvements" et en plus avec humour, je dis bravo !!!
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B
Eh oui ! Spirituelle... et charnelle... ;-)<br /> Quand on dit que ça forme la jeunesse, les voyages à l'étranger...
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N
AH!!!!Tu es passé à la dimension "spirituelle"! ;)
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B
Noche> Oui, c'est sûr ! Il était temps que ça s'arrête. En fait, il y en a eu 3 : le dernier était pendant trois semaines aux USA entre la 1re et la terminale. Ce séjour a amplement rattrapé les deux précédents car c'est là bas que j'ai rencontré celle qui est devenue ma femme !!!
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N
Heu...P'tite question en passant:t'as fait beaucoup de voyages dits "linguistiques"? Parce que tu as du finir tes années d'études dans un sale état (physiqe, s'entend!)! ;)
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