Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
B u h e z  U r  V a l a f e n n
18 août 2006

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE : QUELLE BRETAGNE POUR 2012 ?

 

I - PROSPECTIVE DÉMOGRAPHIQUE

Les intéressants travaux de prospective du blog Imagine 2012, qui pose aussi la question des politiques à adopter d'ici cette échéance, abordent notamment la question de l'aménagement du territoire.
Le débat est ouvert sur ce blog avec, toutefois, une vision assez discutable : Imagine 2012 propose la création de 300 à 500 villes nouvelles de 20 à 50 000 habitants réparties dans toute la France !
Un projet qui est à l'évidence contredit par les aspirations des Français et par les dernières tendances démographiques : les recensements 2004 et 2005 de l'Insee constatent en effet, à l'inverse, une tendance très nette à la déconcentration de la population et à la revitalisation des zones suburbaines et rurales. Selon l'Insee, " le rythme de croissance des communes de moins de 10 000 habitants a presque doublé depuis 1999 passant de 0,5 %/an entre 1990 et 99 à 0,9 %/an entre 1999 et 2004-2005. Les communes de moins de 2 000 habitants enregistrent le plus fort dynamisme démographique et notamment celles de moins de 500 habitants, dont le taux de croissance annuel a triplé depuis 1999. "
Ce constat et la réflexion lancée par Imagine 2012 m'invitent à développer ici une vision non pas de la France, mais de la Bretagne - puisque c'est le thème de ce blog - à l'horizon 2012. Premier constat : selon le rythme de croissance actuel de la population bretonne (près de 0,8 %/an), la région devrait compter en 2012 environ 3,2 millions d'habitants contre 3,0 actuellement. En comptant la Loire-Atlantique, la population devrait passer de 4,200 à 4,4 voire 4,5 millions d'habitants en 2012 (chiffres a priori sous-estimés au vu des derniers chiffres du recensement 2007).
Deuxième constat : le phénomène de rééquilibrage au profit des zones rurales devrait s'amplifier et pourrait mener à une croissance plus homogène de l'espace breton. La tendance est très nette depuis 1999 déjà dans les Côtes d'Armor, département jusqu'ici en perte de vitesse et dont la population s'est brusquement redressée, en particulier dans les zones rurales.
Les zones de déclin démographique se réduisent aujourd'hui au seul centre-ouest-Bretagne (région de Carhaix) ainsi qu'aux villes de Guingamp et de Dinan.
A l'horizon 2012, les départements de basse-Bretagne pourraient prendre le relais de la Loire-Atlantique et de l'Ille-et-Vilaine en terme de croissance démographique. Le phénomène s'observe déjà avec le Morbihan, qui a dépassé le rythme de croissance de la Loire-Atlantique et de l'Ille-et-Vilaine (respectivement + 1,0 %/an, + 0,95 % et + 0,90 %). Les zones littorales expliquent pour beaucoup cette tendance, notamment dans le pays de Vannes, mais les communes rurales du centre et de l'est du département regagnent très sensiblement du terrain. Le Finistère devrait lui aussi voir sa population s'accroître plus rapidement.

Troisième constat : les tendances à la déconcentration de la population s'expliquent pour beaucoup aujourd'hui par une aspiration de plus en plus marquée des ménages pour les petites communes rurales ou semi-rurales : un mouvement qui repose tant sur un choix de qualité de vie que sur un choix économique. La pression foncière - et donc le prix de l'immobilier - dans les petites communes rurales et semi-rurales, est moindre.

 

II - QUELLE BRETAGNE EN 2012 ?

A l'évidence, les enjeux en matière d'aménagement du territoire en Bretagne reposent sur trois problématiques essentielles :
1. Le boum démographique et le boum de l'immobilier en Bretagne posent la question de la politique du logement.
2. Les infrastructures de communication devront accompagner cette nouvelle tendance démographique.
3. L'aménagement du territoire à l'horizon 2012 peut-il faire l'économie d'une redéfinition des découpages administratifs.

Comment concilier développement de l’habitat et préservation du littoral ?

 

 

1. La politique du logement. L'arrivée de 200 à 300 000 nouveaux habitants dans la région n'est pas sans rappeler ce qui s'est produit, certes à une plus grande échelle, en Ile-de-France entre 1945 et 1990 : l'afflux massif de population s'y est traduit par une explosion des besoins en terme de logements. Avec l'émergence des villes nouvelles et le développement tentaculaire des banlieues.
Indiscutablement, les tendances sont très différentes en Bretagne. Cet afflux de population touche un plus vaste espace, moins dense. Qui plus est, il s'opère dans une logique non plus de concentration urbaine, mais d'étalement. Il ne résulte pas d'une nécessité économique mais, pour l'essentiel, d'un choix de qualité de vie. D'ailleurs, cet afflux concerne souvent des ménages à revenus moyens ou élevés.
Les problèmes vont donc plutôt se focaliser sur deux aspects : le bétonnage croissant du littoral et la flambée de l'immobilier. Sur ce premier point, longtemps épargnée, la Bretagne est d'ores et déjà la région de France la plus touchée par le phénomène et le sera plus encore en 2012 : près de 30 % des maisons individuelles construites en bord de mer le sont en Bretagne ! Un rééquilibrage doit s'opérer entre les zones littorales et l'arrière-pays. Il pose aussi la question de la définition des zones littorales : s'agit-il des communes littorales, des zones de front de mer ou de la seule bande des 100 mètres ?
S'agissant des prix de l'immobilier, sans rééquilibrage dans l'espace, la pression foncière ne va faire que s'accroître. Elle pose la question de l'accès des ménages les plus modestes à la propriété. La Bretagne ne risque-t-elle pas de connaître en la matière la même évolution que la Côte-d'Azur, où le littoral devient l'apanage des classes aisées ? Dans la configuration actuelle, rien ne peut empêcher cette évolution. Cela pose aussi la question de la nécessaire intervention des collectivités locales afin de corriger, d'atténuer les tendances du marché.

Nantes : le pont de Cheviré.

 

 

2. Les infrastructures de communication. L'afflux de population actuel en Bretagne, le plus rapide de toute l'histoire de la région, va profondément modifier les flux de communication. D'ores et déjà, les voies express arrivent à saturation en de nombreux points : les sorties ouest de Nantes, de Rennes ainsi que l'arrivée venant de l'est sur Lorient approchent des 80 000 véhicules/jour. C'est huit fois le seuil de rentabilité d'une autoroute. Si rien n'est fait, le cap des 100 000 véhicules/jour devrait être franchi à l'horizon 2012. Faut-il doubler les 2x2 voies comme cela a été fait à hauteur de Saint-Nazaire (2x4 voies) et comme cela est en cours à hauteur de Lorient (2x3 voies) sur la voie express Nantes/Quimper ? Ne faudra-t-il pas mieux développer les autres modes de transport ?
Voilà qui pose également la question du devenir du projet d'aéroport Notre-Dame-des-Landes, au nord de Nantes, aujourd'hui englué. Le trafic des aéroports existants ne cesse de croître. Il atteint déjà la saturation à Nantes Atlantique. Ne faudrait-il pas également développer les autres aéroports bretons, notamment Rennes Saint-Jacques, Brest-Guipavas, Lorient-Lann Bihoué ? Ceci permettrait de mieux équilibrer le territoire.
La question de l'électrification du TGV vers Rennes, qui devrait être effective en 2012, doit ne pas éluder celle des lignes intra-bretonnes : quid des liaisons entre Rennes et Brest/Quimper ? Le projet de pendulaire, voulu par la Région Bretagne, suffira-t-il à répondre aux besoins et à raccourcir les temps de transport entre l'ouest et l'est de la péninsule ?
Enfin, le débat ne doit pas oublier le développement des lignes régionales. Les TER bretons connaissent d'ailleurs les plus fortes progressions de fréquentation en France. Ils montrent à l'évidence que la demande de transports, en Bretagne, est forte sur l'ensemble du territoire.
Les besoins vont aussi crescendo en matière de transport maritime et la Bretagne souffre aujourd'hui de ne pas disposer d'un grand port de commerce. A défaut, les ports de commerce bretons existants (Nantes-Saint-Nazaire, Lorient, Brest...) jouent chacun dans leur coin. L'esprit si breton de travail en équipe, en réseau, ne semble pas jouer encore dans ce domaine.
3. Aménagement du territoire et découpages administratifs. On l'a vu, tous les problèmes, tous les enjeux posés et qui concernent la Bretagne ne peuvent être abordés sans la Loire-Atlantique, dont les liens sont étroits sur un plan historique et culturel, mais aussi sur le plan de l'aménagement du territoire, sur un plan spatial, économique et démographique. Que les voies express de Loire-Atlantique soient essentiellement saturées à l'ouest de Nantes, à hauteur de Saint-Nazaire et en direction du reste de la Bretagne n'est pas un hasard. Cela traduit un fort ancrage économique et démographique avec le reste de l'espace breton.
Les questions d'aménagement du territoire, de développement des modes de transport, du logement, mais aussi la politique de la mer sont imbriquées et touchent aussi bien la Bretagne administrative que la Loire-Atlantique. Bien plus qu'entre la Loire-Atlantique et l'interland des pays de la Loire. Seule la Vendée se rapproche des problématiques bretonnes et pourrait elle aussi, à la rigueur, rejoindre la Bretagne, bien que fort différente sur un plan culturel.
Du reste, le débat sur la réunification de la Bretagne doit aboutir d'urgence, car tout s'accélère. Les problématiques actuelles méritent des réponses de plus en plus rapides.
Les travaux menés par l'association Bretagne Réunie et notamment par des géographes, comme Pierre-Yves Le Rhun et Jean Ollivro, méritent d'être soulignés. C'est le cas des propositions de redécoupage des régions de Pierre-Yves Le Rhun, parfaitement cohérente, tant sur un plan historique, culturel, que démographique et économique.

Xavier Eveillé in Armor magazine, 2006.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 475 595
Publicité