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B u h e z  U r  V a l a f e n n
4 octobre 2011

LE RISQUE D'UNE EUROPE À PLUSIEURS VITESSES

Plus encore que le respect des critères de Maastricht, l’attitude de chaque pays membre est déterminante dans l’avancement de la construction européenne. Ainsi, l’euro ne peut aboutir sans un accord collectif entre tous les pays membres, ni sans surmonter certaines difficultés internes. Au-delà des atermoiements de certains petits Etats de l’Union – ils ont rarement retenu l’attention de la presse économique, à l’exception toute relative du Figaro (2) et des Echos (3) – la presse quotidienne économique retient surtout la persistance ou l’émergence de conflits importants au sein des quatre grands pays voisins de la France : Italie et Espagne, d’une part ; Allemagne et Royaume-Uni d’autre part.

Italie et Espagne : menace d’une fracture nord-sud en Europe

Pas une semaine ne se passe sans que le débat sur la participation de l’Europe du sud à l’euro ne revienne au goût du jour. L’analyse chronologique suivante, mais aussi de l’évolution des relations entre l’Europe du nord et l’Europe du sud, montrent à quel point l’union monétaire risque de se fracturer d’elle-même. On remarquera ainsi combien cette menace alarme particulièrement la presse économique.

Comme la construction européenne dans son ensemble (voir chronologie précédente in L'état de l'Union), il est intéressant de remarquer une évolution en deux temps. A une période de quasi euphorie (jusqu’en janvier 1997) succède une période de doutes et de dissensions concernant les chances d’adhésion de l’Europe du sud à la monnaie unique dès le premier wagon. Le 4 octobre 1996, La Tribune n’avait pas hésité à saluer la baisse des taux d’intérêt en Espagne, estimant même que « la crédibilité du projet budgétaire du gouvernement Aznar s’en (trouvait) accrue auprès des marchés » et que « les monnaies de l’Europe du sud (étaient) sur les traces de l’euro ». La journaliste Isabelle Croizard rappelait ainsi que « les marchés des changes (tablaient) sur une adhésion large à l’euro, en temps et en heure ». Et d’évoquer la caution du ministre des Finances allemand, Théo Waigel, tenant des propos allant tout à fait dans ce sens.

Pendant les deux mois suivants, Les Echos ne sont pas en reste. Les efforts italiens, malgré la chute de la croissance économique, font les gros titres. « Le retour de la lire dans le SME salué comme une bonne nouvelle pour l’euro », affichent Les Echos du 26 novembre 1996. Oubliées, les frictions publiques entre Jacques Chirac et Romano Prodi. Pierre-Alain Furbury rappelle en l’occurrence que les Français ont été « les uniques, forts, loyaux défenseurs » de l’Italie selon les dires du Premier ministre italien… Plus mitigée, la position de l’Allemagne, qui juge que l’Italie « doit fournir la preuve aux marchés que sa monnaie est désormais stable », en reste pas moins « enflammée » quand on la compare aux propos qui seront exprimés outre-Rhin seulement quelques semaines plus tard… L’âge d’or ne durera pas.

La défense de la cause sud-européenne

C’est indubitablement avec l’arrivée des Pays-Bas à la tête de la présidence tournante de l’union européenne en janvier 1997 que les choses se gâtent… et que la presse quotidienne économique française, sentant les vents tourner, prend position. Quelques phrases du ministre néerlandais des Finances, Gerrit Zalm, suggérant aux pays du sud de faire antichambre pour la monnaie unique jusqu’au prochain millénaire, suffisent à doucher durablement l’optimisme ambiant. Les quatre titres nationaux ouvriront à tour de rôle sur les déclarations du ministre des Finances et le risque de « fracture monétaire », selon les termes de La Tribune dans son édition du 8 janvier 1997. Cette dernière titra successivement : « Europe : le danger de l’exclusion », « La colère des bons élèves de l’Europe du sud ».  Et de souligner à quel point l’Espagne, le Portugal mais aussi l’Italie ont fait « preuve d’une étonnante détermination pour se rapprocher (…) des critères de convergence définis par le Traité de Maastricht ». En développant la teneur des efforts accomplis par chacun de ces trois pays, La Tribune enfonce le clou. Elle juge toutefois l’Italie « loin du compte », dette et déficits publics demeurant à des niveaux très éloignés des critères (avec une dette publique excédant toujours largement les 100 % du PIB alors que les critères exigent moins de 60 % du PIB).

Plus encore qu’au cours des mois précédents, La Tribune et Les Echos semblent défendre la cause sud-européenne. Le 16 janvier 1997, Les Echos titrent en couverture : « Les marchés qualifient Madrid et Rome pour l’euro », un peu à contre-courant de l’ensemble des observateurs. En rappelant que l’inflation est tombée en Espagne à 3,2 % (meilleur résultat depuis 1970) et qu’en Italie, la lire remonte en flèche face au mark, La Tribune salue quant à elle « l’entêtement de Madrid et de Rome à se qualifier pour l’euro en 1999″. Le même jour, Les Echos parlent même de « climat d’euphorie » à Madrid, tout en adressant un encouragement au Portugal, « le bon élève européen ».

Attaques politiques de l’opposition, difficultés économiques, soutien plus ou moins affiché de l’Allemagne envers les Pays-Bas au sommet de Davos… Néanmoins, les mauvaises nouvelles finissent par l’emporter. Le Figaro, qui est resté plus critique envers les pays du sud de l’Europe, ne partage pas le feu de paille d’optimisme et rapporte dans son édition du 6 février 1997 que le gouvernement italien lui-même « dédramatise une entrée ultérieure de l’euro ». Le lendemain, Le Fig’ Eco rapporte, à l’occasion, les propos du ministre italien des Affaires étrangères, Lamberto Dini, estimant que « l’Italie participera à l’UEM dès son lancement » Le surlendemain, le quotidien conservateur évoquera de nouveau des tensions entre l’Allemagne et l’Italie (« Allemagne-Italie : tensions sur la participation de la lire à l’euro »).

____________________________

(2) Voir brèves comme « Les Danois pour un référendum sur Maastricht II » ou dans son édition du 8-9 février 1997 : « Stockholm dans l’UEM dès 1999″.

(3) L’émergence d’un véritable courant eurosceptique aux Pays-Bas a fait l’objet de quelques articles publiés dans Les Echos, notamment le 24 février 1997 en page International. Le correspondant Maurits Snyders souligne en particulier « qu’alors qu’un large consensus régnait depuis des années sur la monnaie unique, des voix discordantes s’élèvent aujourd’hui contre les conditions du passage à l’euro ». Par ailleurs, le retour du mark finlandais dans le Système monétaire européen (SME) a été largement salué par Les Echos en tête de la page International dans son édition du 14 octobre 1996. Sous un titre imposant : « Le mark finlandais rejoint le SME pour être au rendez-vous de l’euro en 1999″. Et de parler de « pari courageux pour Helsinki qui a beaucoup pratiqué la dévaluation compétitive » et qui promettait là de limiter fortement les marges de fluctuation du mark finlandais par rapport aux devises de l’antichambre de l’euro.

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