Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
B u h e z  U r  V a l a f e n n
15 octobre 2012

2. L'ORGANISATION DU MAQUIS DANS L'EST DU MORBIHAN

bandeau dossier ebreizh vierge ok

 Les premiers actes de résistance du maquis morbihannais et l'opération Cockle

 

Dans les années 1940 à 42, certes quelques réseaux opéraient déjà dans certaines régions, notamment sur les côtes où des équipes de renseignement très actives agissaient. Mais sur le terrain, les actions étaient avant tout isolées voire individuelles*, l'essentiel de la Résistance s'organisant depuis l'Angleterre. 

Dans le Morbihan, près du site où se tint la première bataille de la Libération, avant même celle du Débarquement en Normandie, les premiers réseaux se sont mis en place en décembre 1942 autour de l'opération Cockle (coquillage en anglais). Celle ci se déroula dans la nuit du 21 au 22 décembre 1942 et se traduisit par le parachutage de deux agents sur l'étang au Duc de Ploërmel. Leur mission consista à recruter et former des petits groupes de volontaires dans le but de repérer des terrains de parachutage et, par la suite, d'y réceptionner et de camoufler les armes et les explosifs largués, destinés à servir dans de futurs sabotages et opérations de guérilla. Dès son arrivée, l'un des deux agents de liaison, Guy Lenfant, se mit en contact par l'entremise d'un camarade avec le commandant de la gendarmerie de Ploërmel, le lieutenant Téophile Guillo. C'est le début du réseau baptisé Action. Ensemble, les trois hommes mettent en place une équipe de jeunes Morbihannais qui s'avèrera très active.

les_soeurs_malard_vignette_joseph_j_go

Guy Lenfant, dont le nom de code était Le Breton, organisa plusieurs équipes de parachutage. Le commandant de la gendarmerie prit la responsabilité de tous les dépôts d'arme constitués secrètement dans le secteur. Leur transport fut confiée à d'autres recrues, comme Emile Guimard ou Raymond Guillard. Ce dernier, ainsi, participa à la plupart des parachutages dans le secteur de Sérent et Lizio et au convoiturage des précieux colis, au moyen notamment d'une Citroën 11 U équipée en gazogène et équipé d'un double fond. Le véhicule appartenait à la famille Malard, deux soeurs commerçantes à Saint-Aubin en Plumelec qui, au péril de leur vie et de celle de leur famille ne ménagèrent pas leurs efforts, aidées par leur employé Henri Tanguy. Elles hébergèrent également plusieurs aviateurs et parachutistes alliés.

 


D'autres résistants (FFI essentiellement) furent hébergés secrètement dans la région jusqu'en 1944. Deux jeunes résistants originaires de Saint-Brieuc et Elven furent ainsi cachés à la ferme du Pelhué, en Plumelec. "Ils étaient recherchés par les Allemands, se souvient Joseph Jégo, auteur de Rage, action, tourments au pays de Lanvaux (interviewé en 2004, photo cf vignette en tête d'article). Nous avons assuré leur protection. A l'époque, nous étions encore tranquilles. Les Allemands ne contrôlaient guère le secteur pour débusquer les réfractaires du STO." Lui même s'est soustrait de ses "obligations" à l'âge de 21 ans. " J'ai été convoqué au Service du travail obligatoire en 43. Je n'avais aucune envie de partir là-bas. Un ami m'a alors proposé de le rejoindre dans la Résistance. Je me souviens qu'il m'avait alors dit : comme ça, le jour où il se passera quelque chose ici, on sera au moins deux ! On barrera les routes ! En réalité, nous furent bien plus. Nous découvrîmes que de nombreux contacts avaient été déjà pris avec des engagés. Au départ, on nous chargea surtout de porter des messages, en conviant en cachette de points de ralliement." Les choses évoluèrent par la suite.

En mai 44, Joseph Jégo participa à la destruction de rails de chemin de fer au Roc-Saint-André et à l'abattage de lignes électriques. Le groupe était aidé en cela par une agente de liaison parachutée depuis l'Angleterre, Jeanne Bohec, dit Micheline. " C'est elle qui nous a appris à faire des explosifs faciles à partir de produits en vente en pharmacie. Une autre agente de liaison, Annick Perrotin, fille de commerçants de Plumelec (et rattachée à la 7e compagnie FFI de Plumelec), a également beaucoup fait pour nous. "

Les compagnies de gendarmerie non plus ne firent guère preuve de zèle pour dénicher les réfractaires au STO. "Des gendarmes de la brigade de Saint-Jean-Brévelay quittèrent eux-mêmes leurs fonctions et rejoignirent le maquis. Leur brigadier chef se garda bien de signaler leur désertion ", rappelle Joseph Jégo. Les gendarmes de Malestroit soutinrent également le maquis dans les mois qui précédèrent la bataille de Saint-Marcel. 

Les premiers parachutages

C'est au début du mois de février 1943 qu'eut lieu le premier parachutage, marquant une étape clef dans la constitution du maquis, dans l'organisation d'une résistance armée plus structurée. D'autres suivirent jusqu'au mois de juillet dans tout le secteur. Autant d'opérations nocturnes qui n'étaient pas sans attirer l'attention des habitants avec le risque de venir aux oreilles des ennemis. Le ronronnement des avions au-dessus des drop-zones s'entendaient sur plusieurs kilomètres à la ronde. Par chance, rares furent les incidents : la nuit du 22 au 23 mai à Lizio, un container frôle une ligne électrique. Le parachute reste en revanche accroché aux câbles, provoquant une grande lueur et une détonation. Le court-circuit provoqué au contact prive la région de courant pendant 24 heures - autant dire qu'en terme de discrétion, il y a mieux. Mais le comité de réception parvient heureusement à localiser et récupérer l'indiscrète cargaison... de l'ordre de 7 tonnes !

Toutes ces opérations permirent d'affiner le choix des meilleures drop-zones. La vaste clairière, bien protégée, de La Nouette en Sérent, retint l'attention des réseaux de résistance du Morbihan, dirigé par le colonel Morice. Surnommé La Baleine, ce terrain fut retenu pour des premières réceptions dès mai 43 avec l'accord et la collaboration de la famille Pondard, propriétaire de la ferme de la Nouette. Il sera utilisé lors de la fameuse bataille de Saint-Marcel et fera office de base (commandement, infirmerie, dépôt...) en juin 44. Les FFI savent alors qu'ils pourront compter sur plusieurs centaines voire milliers d'hommes, plus ou moins formés, épaulés par les Special Air Service.

C'est quelques semaines avant seulement, que la décision d'organiser l'opération de déstabilisation, parallèlement au Débarquement, depuis le terrain de La Baleine fut prise. Le commandant FFI Morice, de son vrai nom Paul Chenailler, et son adjoint Emile Guimard se trouvaient dans leur poste de commandement à Saint-Aubin en Plumelec quand ils entendirent les vers de Verlaine annonçant Les Sanglots longs des violons de l'automne bercent mon coeur d'une langueur monotone. Quatre agents de mission et trois agentes de liaison sont à leur côté, prêts à intervenir : ordre fut en effet donné de rallier tous les commandants de bataillons pour les aviser de rejoindre l'Etat major dans la soirée. Le colonel Morice annonça la mobilisation générale avec pour consigne de se rendre au terrain de La Baleine par petits groupes. En l'occurrence, Joseph Jégo rappelle dans son ouvrage que l'Etat major fut quelque peu ulcéré de voir débarquer à La Baleine les troupes de maquisards à près de 100 : "Le périmètre du camp fut sans cesse élargi, au fur et à mesure qu'arrivaient les maquisards. Au bout d'une dizaine de jours, nous étions 2000 puis 2500 et enfin près de 3000 ! On ne s'attendait pas à autant de monde. Il fallait alimenter le siège en permanence. Tous les fours à pain des fermes environnantes tournaient à plein régime et des charettes apportaient quantité de viande, de cidre... Le rythme était ponctué chaque nuit par les parachutages d'armes et de munitions. Ce fut comme ça jusqu'au matin du 18 juin !"

X.E.

A suivre : 3. L'afflux des maquisards et les parachutages à La Baleine, le rôle clef des Special Air Service.

_______________________________________

* Dans la région de Ploërmel, citons des actes de résistance isolés, spontanés : le Liziotais Pierre Golvet fut ainsi l'un des premiers résistants de la région en permettant dès 1940 à plusieurs prisonniers de s'enfuir. Après la débâcle française et la constitution de la zone occupée, les Allemands ordonnèrent aux anciens combattants de se présenter en mairie à leur convocation pour les démobiliser et les envoyer en Allemagne comme prisonnier de guerre. Pierre Golvet obtint la complicité du maire de Pontivy, Eugène Frotté, pour faire extraire plusieurs prisonniers de Lizio (il en fut de même à l'échelle de nombreuses communes) à leur transfert vers l'Allemagne. En 1944, le Liziotais, remplaçant du maire, fait prisonnier en Allemagne, parvint également à empêcher les Allemands de mettre le feu à la ferme de La Grée-aux-Moines, domicile du commandant Emile Guimard, activement recherché par l'occupant.

A noter également - la liste est non exhaustive - la participation active des soeurs de la communauté des Augustines, à Malestroit, à commencer par soeur Yvonne Aimée. La communauté accueillit dès mai 40 des réfugiés religieux et civils, une femme enceinte juive traquée par les Allemands en octobre 41, des soldats du Nord de la France... Elle tint tête à la Wehrmacht désireuse d'occuper la clinique en ne lui concédant qu'une petite partie des locaux tout en continuant à soigner en cachette en 1943 et 44 des aviateurs américains, des FFI blessés et même le général Audibert, chef de la Résistance de l'Ouest, qui fut hélas repéré et arrêté par les Allemands en découvrant dans ses effets personnels une valise à double fond. La clinique a également soigné de nombreux résistants et plus d'une dizaine de parachutistes à l'issue de la bataille de Saint-Marcel. A l'issue de la guerre, soeur Yvonne Aimée reçut six médailles françaises, anglaises et américaines.

Publicité
Publicité
Commentaires
C
Un peu hors sujet, cela me fait penser que mon grand-père, qui travaillait à la SNCF à l'époque a participé, à son petit niveau à de petites actions qui n'ont sans doute pas été inutiles. Ce qui m'a été raconté, c'est qu'il a retiré de l'huile (à l'aide d'une énorme seringue en cuivre que mon père possède encore) qui lubrifiait les boggies des wagons : les trains allemands ont fini par se gripper complètement en descendant la vallée du Rhône. Ce qu'il y a de bien, c'est que les Allemands n'ont jamais bien su quand et où le sabotage avait été fait.
Répondre
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 475 583
Publicité