FACTEURS DE COMPLAISANCE
S'ils pouvaient, nos chers élus passeraient l'essentiel de leur temps avec des journalistes. Pour certains, c'est d'ores et déjà quasiment un métier à plein temps. C'est par les médias qu'ils bâtissent leur image, leur carrière. Et les médias le savent. Ces deux formes de pouvoir vivent sur le dos de l'autre. Mais je dirais même que le politique est plus dépendant des médias que les médias du politique, car la presse a d'autres sources de ventes. Le politique, lui, ne peut pas se contenter du bouche à oreille...
Il n'en reste pas moins qu'il est tout de même crucial pour un média d'avoir un solide carnet d'adresses et de bons contacts auprès de la sphère politique. Le journaliste a besoin d'informateurs, d'indics. De préférence dans les milieux au pouvoir. Et pour cela, si l'on ne veut pas se faire couper le robinet, mieux vaut être dans leurs petits papiers...
Au-delà des éventuelles collusions d'intérêt et autres services rendus (ça existe), c'est véritablement la raison première de cette complaisance quasi généralisée de la presse en France. C'est pour cela précisément que les médias tapent volontiers plus fort sur la tête des "petits candidats" que sur celle des présidentiables, de ceux qui peuvent prétendre accéder au pouvoir.
Cette tendance n'est pas proprement hexagonale. Mais elle y est plus flagrante pour deux raisons principales :
1. La concentration du pouvoir (cumul des mandats, centralisme, manque de renouvellement...).
2. La fragilité de la presse française : peu de gros tirages comme dans les pays anglo-saxons, une presse souvent moribonde (ex : Libération) et un faible nombre de quotidiens nationaux, d'où une pluralité assez limitée.
On pourrait ajouter à tout cela une troisième raison : la presse française manque de journaux d'investigation, à l'instar du Canard enchaîné, qui va souvent seul au charbon. La contagion médiatique d'un scandale, par exemple, se trouve de fait très limitée et n'a dès lors pas le même impact qu'au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis.
Et je ne parle même pas des médias TV et radio en France qui présentent des facteurs de complaisance accrus : poids considérable de l'audience et des recettes publicitaires, forte concentration à Paris et, en corollaire, une trop grande promiscuité journalistes/politiques. Y compris... au lit.