Natif du pays... né de la mer
Alors que se déroulent aujourd'hui de bien tristes cérémonies en la cathédrale de Luçon - ma ville natale - il m'est revenu en mémoire cette étonnante carte du sud-Vendée, qui représente la Baie de l'Aiguillon avant son assèchement et la construction d'immenses polders, sur 100 000 hectares, sous l'égide de Hollandais (d'où son surnom de "Ceinture des Hollandais").
Cet ancien golfe marin couvrait tout le sud du département, jusqu'aux portes de Niort même, dans les Deux-Sèvres ! Située à 15 km de la mer, Luçon était une ville côtière, comme le rappelle encore sa Place du Port, aujourd'hui en plein centre ville.
Toute cette partie du Bas-Poitou, également connue sous le nom de Marais Poitevin, est constituée de deux entités : à l'Est, le marais mouillé (ou Venise Verte) et à l'Ouest, le marais séché, comblé peu à peu par des alluvions d'origine fluviale et marine (le bri). Ce golfe marin s'appelait jadis le Golfe des Pictons, du nom de la tribu gauloise occupant alors le sud de l'actuelle Vendée.
Des traces d'occupation pré et protohistorique ont d'ailleurs été identifiées sur les anciennes rives ainsi que sur les anciennes îles, aujourd'hui juchées en plein milieu des terres : c'est le cas de La Dive. La photo en lien ici permet d'en juger de façon assez convaincante : http://www.photo-vendee.com/image/370-photo-la-dive-de-l-aiguillon
Un Golfe du Morbihan entièrement comblé
Ce site, étonnant, fait l'objet d'études scientifiques et de régulières visites scolaires. Ce fut mon cas en CM1 ou en CM2, vers 1984-85. Je me souviens de cet étonnant éperon rocheux calcaire, au beau milieu des polders... Un vestige de ce qui fut, il y a quelques millénaires, l'équivalent du Golfe du Morbihan ou du Bassin d'Arcachon, ni plus ni moins ! Les proportions sont d'ailleurs comparables. Il faut donc imaginer cette incroyable entreprise pluriséculaire, accomplie par l'homme avec la complicité de la nature, qui consista à combler des milliers et des milliers d'hectares parsemés d'îles comme Vix, l'île d'Elle, La Dive...
À partir du VIIe siècle, de grands seigneurs féodaux ont procédé à des donations de parties entières du marais au bénéfice d'abbayes alentours (les plus connues étant Maillezais, Nieul-sur-l'Autise, l'Absie, Saint-Maixent et Saint-Michel-en-l'Herm). Des travaux d'aménagement et d'assèchement sont lancés dès le Moyen-Age. Après une interruption pendant les guerres de religion, ils sont repris sous Henri IV, qui fait alors appel à des investisseurs huguenots originaires des Pays Bas. L'ingénieur flamand H. Bradley est nommé grand maître des digues. De grands aristocrates de la Cour verront très vite comment tirer profit de ces assèchements.
La vocation navigable est accentuée sous Napoléon I, qui prend un décret d'aménagement de la Sèvre niortaise, en 1808. C'est le coup d'envoi d'une colossale phase de grands travaux, sur près d'un siècle, qui voient la constitution des actuelles digues, notamment du côté de l'Aiguillon-sur-Mer et de la pointe d'Arçay (où j'allais pêcher les coquillages et les crevettes avec mon père et mon frère). Des canaux évacuateurs de crues et de grandes rigoles, comme La Garette, sont édifiés entre 1835 et 1850. D'autres travaux sont entrepris dans les années 1920, à la suite d'une série de tempêtes dévastatrices. Puis, plus rien. Le remembrement, au contraire, vient fragiliser le milieu naturel.
Mais les chenaux et les digues semblent jouer malgré tout leur rôle, si bien que l'on finit très vite par oublier les affres du passé. Le boum de l'immobilier, des années 90 et 2000, feront le reste. On connaît bien, dans la région, ces nouveaux lotissements, érigés sur des terres de marais... Les constructions ont fini par se montrer de plus en plus audacieuses... Jusqu'à venir coloniser le pied des digues.
On connaît aujourd'hui la suite.
Ironie de l'histoire, la communauté de communes de la région a été baptisée il y a quelques années : "Communauté de communes du pays né de la mer".