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B u h e z  U r  V a l a f e n n
30 septembre 2017

Daïk, chapitre 18

 

 

lettre typo celtique J

OSS ALLUME LA TELE. IL TOMBE SUR UN CONCERT

DE PENEZ DRIGENT EN TRAIN D'ENTONNER

UNE COMPLAINTE. 

Une gwerz.

Il aurait bien invité Robert à voir cet Ovni de la

chanson mais doute que Miss’ ait envie de se

le fader à l’heure du dîner.

Et puis l'Anglais est censé avoir mangé

depuis longtemps. Ses voisins n’ayant ni volets

ni rideaux, il est aisé d’à peu près tout connaître de leur

vie et Joss peut affirmer que Fenêtre sur court en version franco-anglaise

ce n’est pas triste non plus (quoique moins anxiogène). Kate,

sa femme, de son vrai prénom Sandy - mais sa chevelure fait penser

à celle de Kate Bush - ne passe plus la porte de sa longère bretonne

après avoir dégainé son sèche-cheveux ! C’est la seule interprétation plausible

pouvant expliquer d’une pierre deux coups le mystère de sa tignasse

explosive et sa discrétion légendaire dans tout le village : elle ne sort pratiquement

jamais de son antre troglodytique, comme si elle avait décidé de quitter

la grisaille anglaise pour venir s’enfermer dans une grotte armoricaine.

 

Le soir, elle a cette curieuse manie de se déshabiller que lorsque la lumière

est allumée. Un jour, Joss s’est surpris à avoir un début d’érection sans même

la voir, rien qu’en pressentant son passage devant la fenêtre de sa chambre

et cette fois-là, il s’est vraiment dit que ça devenait grave.

 

Oui, ça devenait grave ce garde-à-vous pavlovien, surtout quand vous finissez par intégrer

que les défilés de votre voisine font désormais partie du paysage de votre vie

au même titre que les seins de votre propre femme !

 

Joss a encore de la chance que, conformément au cliché de la quarantaine britannique, Kate

soit davantage portée sur le chocolat que sur la bagatelle...

Pendant ce temps, Nathan son petit génie en culottes courtes est en train d’échafauder

on ne sait quelle création artistique dans le jardin à plus de vingt et une heures

(pas d’école demain) tandis que Koupaïa lit sur son site web préféré un article très jacobin

 sur d’autres Marie-Antoinette : Cinq stars défigurées par la chirurgie esthétique, et que

la caïd de la bande s’attaque aux barreaux de son petit lit comme un Bonnet rouge

à son portique.

Joss jette un œil par la fenêtre, contemple le salon dévasté

et qui n’a pas encore été rangé, mesure le niveau sonore hallucinant

de la télévision avant de constater que le volume n’a rien d’excessif (niveau vingt-huit sur

une Toshiba de cent quatre centimètres). Le chanteur Penez Drigent est en train

de hurler à la mort à vous dresser les poils sur les bras. Ar Rannoù alias Le chant des

Séries… avec la bande originale de La Chute du Faucon noir (Gortoz a ran), sûrement

l’un de ses morceaux préférés. Bien que ce soit du quinze ans d’âge, grand minimum,

force est de reconnaître que l’on a tendance à vieillir avec ses idoles.

Ce chant lui rappelle par sa puissance Now we are free, de la bande originale

du film Gladiators, par Zans Himmer et Gisa Lerrard des Dead can Dance, et éveille

en lui des envies de retraite médiévale dans un obscur château dominant l’Ile de Skye

ou la vallée du Lot. Il y vivrait comme un seigneur en écoutant ces chants anachroniques

qu’ils n’auraient sûrement pas reniés si d’ordinaire il avait pu adapter l’acoustique gothique

à la technologie moderne dans ce qu’elle a de plus aboutie et réussie : la quête du son absolu,

impérieux, impérial.

Penez Drigent est au bord de l’apoplexie et Gisa Lerrard choisit ce moment

pour entrer sur scène ! Elle se mêle à la féerie afin de transcender et de sublimer la voix

du barde breton, tandis que Fillette attaque les barreaux à la scie circulaire

avec un disque en diamant, que Kate ouvre encore une tablette de chocolat,

que Robert sort fumer une cigarette électronique dans le but évident de conserver

le plaisir onirique du tabagisme sans les funestes désagréments, et que madame

coupe quelques têtes décaties sur une tablette tactile de ses doigts alanguis.

Ploc, la tête de Rickey Mourke, ploc, la tête de Lourtney Cove, ploc celle

de Jickaël Mackson.

 

Ploc, ploc, ploc…

Penez Drigent semble faire un malaise, comme pris d’une sorte de rush.

Joss n’est pas dans sa tête et ignore que le chant des Séries est en

train de le posséder jusqu’à la lie. La faute à un extraterrestre...

Comme foudroyé, l’artiste manque à l'instant de s’évanouir au beau milieu

de son public.

 

Et Nathan ne revient pas de ses châteaux de sable et autres occupations nocturnes.

D’ailleurs, il ne rentrera pas ce soir.

 

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