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B u h e z  U r  V a l a f e n n
21 octobre 2017

Daïk, chapitre 23

lettre typo celtique JOSS TROUVE QU'IL N'A JAMAIS autant travaillé de sa vie que depuis qu’il

est sorti des rails, après sa radiation sous Sarko. Il avait même eu

l’impression d’être retourné en enfance, du temps où créer

s’affranchissait de toutes ces barrières insensées. Il suffisait

de s’emparer des objets, de matérialiser les idées

et, comme l’expression de son art, l’idée prenait forme. Il aimait bien ça

malgré les désagréments quotidiens. Il en tira toutes sortes d’enseignements

sociologiques qui lui inculquèrent cette conviction que l’argent et le regard social

travestissent,

font se renier.

 

Ce n’était pas la joie tous les jours, mais c’était bon de suivre ses principes de vie.

Demeurent néanmoins aujourd'hui ces questions en suspens :

Son passage sur terre influencera-t-il la vie des siens

et pendant encore combien de temps... ?

Celui de quelques relevés bancaires ?

Le temps d'’une décennie ?

D’une génération ?

D'un siècle ?

Connaissez-vous l’histoire de vos ancêtres d’avant guerre ?

Et de ceux qui ont vécu au XIXe ?

On ne meurt pas dans le même état d’esprit selon que l’on soit puissant

ou misérable. Mourir avec des questions matérielles dans la tête est tout de même

pathétique. Joss n’aime pas sa mort. Il ne voyait pas ça comme ça.

Il pensait nourrir l’humanité de ses questionnements philosophiques.

Trouver des clefs, croiser le génie d’esprits immortels, et surtout, surtout,

vibrer au son de l’orgue sur une sonate d’amour absolue.

Hélas, non.

Il meurt en suivant une ambulance.

Il arrive dans le même hôpital que son fils, mais par une autre porte.

 

Et pendant ce temps, son fils est entre la vie et la mort.

Sa dernière vision de Nathan : l’enfant étendu dans son bac à sable, figé,

impassible, presque serein. Ce constat le culpabilise et le rassure

en même temps.

Puis, une autre vision surgit : les secours piétinant ses vestiges, s’étonnant

de ses curieux hobbies d’attardé s’il lit bien entre les lignes (les enfoirés). Joss revoit

leurs bobines, l’un riant sous cape, disant que sa tension est « normale », lui répondant :

-Oh, vous ne voyez pas qu’il est complètement paralysé !

-Oui, mais il respire, il n’y a pas de symptômes apparents, regardez, le type lui répond.

Joss lui aurait bien enfoncé la tête dans le sable s’il n’avait un minimum

de retenu et de respect lié à sa fonction ! Il a détesté le regard que ce type

a coulé sur le bac à sable de son fils qui couvre un tiers de la propriété… et alors ?

Ca vaut bien une tablette, non ? Joss parie que le gamin du secouriste passe

ses journées dans le salon sur son… non : sur ses écrans, sûr qu’il en a un régiment !

Il enrage comme il a enragé toute la route jusqu’à ce satané virage

et cette saleté de fossé. Fallait voir l’état du bas côté. Et les pompes funèbres

qui vont assassiner Koupaïa ! Ils vont lui massacrer le compte en banque,

peut-être lui cherchera-t-on des poux, trouvera-t-on des failles dans ses contrats

Prévoyance décès ! Une chance qu’il ne soit pas décédé dans des circonstances

inexpliquées, genre mort subite ou accident de voiture avec une valise pleine

de drogue dans le coffre. Il paraît que plein de gens convoient de la dope

sans même s’en rendre compte. Elle aurait moisi des jours et des jours

dans une chambre froide avec une enquête sur le dos et une facture des pompes

funèbres qui tourne à toute vitesse comme un compteur de taxi. Vivre sur Terre est 

une course perpétuelle après le fric et lorsque vous mourrez, nom de Dieu,

ça ne s’arrête pas ! La course continue. L’Etat, le croque-mort, le notaire et certains

ayant-droits, tout le monde fait semblant de ne pas vous attendre au tournant parce

que vous n’êtes jamais tant bankable que lorsque vous êtes morts !

TOUS BANKABLES.

En guise de revanche, il s’est jeté comme un kamikaze dans un élan subconscient

sur le bas-côté genre contre un portique en ruine frappé par la pandémie de bonnet-

rougeole. Il a heurté une sorte de plot en béton émargeant de la route avant

de voltiger dans le décor, c’était quoi ce truc ? Il ne le saura jamais.

Et si c’était vrai… A qui en vouloir au fond ? Au taux de prélèvement record ? Ce n’est pas une

vie que de mourir obsédé par ce genre de préoccupations stériles !

Joss aurait mieux à faire et à penser dans l’au-delà... A côté, mourir durant

les Trente glorieuses devait faire de vous un immortel dégagé de toutes considérations

matérielles. Saint-Pierre vous ouvrait les portes de la grandeur d’âme,

alors que là… il doit avoir de la peine pour Josselin.

-Mon pauvre monsieur…

-La crise économique m’a fumé pour l’éternité !

Joss a l’impression de se faire tirer le portefeuille du veston par un cleptomane.

Non, pire : que lorsque l’on meurt, on sent son influx vital sortir de sa poitrine

en même temps qu’une main vous faire les poches ! On vous paluche le paletot :

 

« Portefeuille, sors de ce corps... »

 

Matérialisme de merde ! Un excès de structuration des comportements

humains par le modèle économique systémique qui fait que certains types

sont persuadés que même leur propre inspiration-expiration devrait être tarifée

toutes les trois secondes. Tout est codé, monétisé, et tout doit être retranscrit

en acte ad-hoc. Demain, les pets seront assujettis à cotisations sociales au prorata

du volume de méthane rejeté parce que vous contribuez au réchauffement de l’atmosphère.

Et les puces dans les poubelles, et dans les robinets, et dans les toilettes,

n’est-ce pas déjà dans les tuyaux ? Vous croyez que ces types vont en profiter

pour nettoyer la fiscalité antérieure ? Non, pardi ! On superpose. On ajoute à la fiscalité

héritée du capitalisme une fiscalité héritée de l’écologie comme antithèse

du capitalisme. Conséquence : en additionnant les fiscalités de façon contradictoire

avec des incohérences de schizophrène, on aboutit à un magma administratif

pire que du gaz asphyxiant ou paralysant. Ces mecs dans leurs bureaux ne comprennent

pas pourquoi plus rien ne fonctionne dans ce pays :

-Hé ! Vous bourrez la mule dans les deux sens : par devant et par derrière !

Et que dire de la fiscalité européenne ? En vingt ans, vous venez de créer

trois niveaux de fiscalité, une première dans l’histoire de l’humanité, et

vous pleurez votre mère qu’on n’est pas capable de générer autant de recettes 

qu’à votre guise ! Mais l’économiste John Keynes n’aurait jamais laissé passer

ça, pas même Karl Marx ! Fiscalité nationale, fiscalité européenne, fiscalité écologique.

Et soyons sûr qu’ils cogitent une strate de plus parce que, forcément, en détournant

un peu Laffer (vous savez, le mec qui a dit : « Trop d’impôts tuent l’impôt »)…

eh bien… c’est tout con : il suffit d’en créer de nouveaux assujettis sur

des trucs qui n’existaient pas avant pour remplacer le produit qui ne rentre plus !

C’est comme ça qu’on arrive à la nouvelle soviétisation du pays : inadapté

à la mondialisation parce que trop mis à contribution, le secteur privé s’effondre

et le niveau de vie moyen de la fonction publique explose celui du privé et la part

du secteur public bondit dans le produit intérieur brut, tandis que le taux

de prélèvement obligatoire final atteint des niveaux jamais atteints de l’ordre

de 60 voire 65 % de la richesse captée. Même la Russie et Cuba n’en veulent plus !

Après les impôts écologiques et pourquoi pas une taxe d’habitation

sur les morts ? Hein ?

Ils en dégagent, du carbone !

Voilà. Telles furent les dernières paroles de Josselin, libéré de tout filtre,

dans le lâcher-prise le plus total inhérent à son nouveau statut 

de jeune défunt, en cette décennie 2010...

 

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